Cinéma : « Dieu est grand », l’amour aussi !

Dans son film « Allah Kabo », réalisé en 2010 et dont il a co-écrit le scénario avec la réalisatrice togolaise Sitou Ayite, le malien Bouna Cherif Fofana démontre qu’aucun sacrifice n’est de trop face à l’Amour.  

D’un côté, une mère gravement malade est allongée presqu’immobile dans un lit d’hôpital. De l’autre, une future fiancée impatiente. Elles attendent toutes les deux de l’argent. La première, pour ne pas se faire expulser de l’hôpital et la deuxième pour le versement de la dernière tranche de sa dot au risque de rompre les fiançailles.

Deux personnages sont au cœur de l’intrique d’Allah Kabo : Sidiki, le chauffeur de la sotrama (minibus de transport en commun à Bamako), qui risque de perdre sa fiancée au profit d’Aboubacar, un autre prétendant et Khalifa, l’apprenti chauffeur, qui lui tente de sauver sa mère hospitalisée. Tous les deux doivent gagner une certaine somme d’argent avant le coucher du soleil. Voilà ce qui constitue le nœud du film Allah Kabo(qui signifie Dieu est grand en français) du réalisateur malien, Bouna Cherif Fofana.

La pression pèse sur l’un comme sur l’autre. Le chauffeur doit rouler plus vite et l’apprenti doit trouver plus de passagers que d’habitude pour pouvoir couvrir la somme nécessaire à la fin de la journée. Mais, le soir arrivé, la totalité des recettes ne peut couvrir que la dot de la fiancée du chauffeur. Les frais d’hôpital de la mère de l’apprenti doivent attendre ? Pas question !

Le tour de trop

Il faut faire un dernier tour dans l’espoir de compléter les frais du dernier. Malheureusement, dans cette course effrénée, ils provoquent un accident grave dont toutes leurs recettes journalières serviront à soigner la victime. 

Bien qu’étant un court métrage de douze minutes, Allah Kabo, au-delà de l’Amour, met l’accent sur plusieurs maux qui gangrènent notre société, notamment le système de santé défectueux et la corruption dans nos hôpitaux publics où il n’est pas rare de voir des malades se faire expulser parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer les frais de soins. Le cas de la mère de Khalifa illustre à merveille cette pratique inhumaine qui conduit à la perte de vie de plusieurs patients qui pourraient pourtant être sauvés s’il existait encore un fragment d’humanisme dans les cœurs de certains hommes censés sauver des vies.

L’amour présenté dans un double aspect

Dans cette fiction qui côtoie de près la réalité, Bouna Cherif nous présente une société déshumanisée où les intérêts personnels des uns les empêchent de voir les souffrances et les besoins parfois existentielles mais combien élémentaire des autres. Le réalisateur se sert des plans larges et des plans d’ensemble pour mieux présenter l’environnement dans lequel vivent les personnages. Ces plans mettent en valeur la sotrama, ce minibus vert devenu le plus prisé des moyens de transport en commun dans la capitale malienne du fait de son prix abordable. Le zoom est également plus utilisé par le réalisateur pour mieux capter les émotions et les expressions faciales des personnages.

Allah Kabo met surtout en exergue la force de l’amour présenté dans un double aspect : l’amour maternel d’un jeune homme, seul espoir de sa famille et celui d’un homme prêt à tout pour garder sa fiancée.

Ce passage démontre la place de la femme dans notre société. Qu’elle soit une mère, une sœur ou même une épouse, la femme occupe une place importante dans notre vie.  Aussi, le réalisateur présente une autre face des apprentis Sotroma généralement vus comme de bandits sans éducation et des drogués qui n’ont aucun respect pour les passagers, donnant ainsi une image controversée du métier. Mais le comportant de Khalifa est aux antipodes de ces qualificatifs peu flatteurs. Il est responsable et montre que le métier d’apprenti Sotroma est comme tout autre métier.

Le cousinage à plaisanterie

Au-delà de cet aspect qui magnifie la femme, Allah Kabo fait ressortir également un pan important de la culture malienne : le cousinage à plaisanterie. Cette pratique ancienne qui résiste même à la modernité est un facteur important de vivre-ensemble au Mali. Cette pratique ancestrale fait tomber des barrières sociales permettant même à de parfaits inconnus de sociabiliser.

Le choix de la sotroma pour évoquer cet aspect ne semble pas fortuit quand on sait que les transports en commun sont de véritables points de rencontre dans nos sociétés. Ce passage est illustré par la causerie de deux vieillards dans la sotrama qui bien qu’ils ne se connaissent, se taquinent et arrivent à faire rire tous les passagers à bord du minibus. 

Réalisé en bambara et sous-titré en anglais, Allah Kabo est soutenu par un scenario original et digeste, servi par une réalisation maitrisée et d’excellents acteurs qui ont su apprivoiser leur rôle. Le casting du film enregistre notamment la participation de deux figures emblématiques du 7e art malien. Il s’agit d’Hamadoun Kassongué et Helene Diarra.

Youssouf Koné

Cet article a d’abord été publié dans le magazine Noocultures

Partager l’article sur 

A Propos de L’auteur

Impossible de copier du contenu sur notre site.

Si vous avez besoin de quelque chose, contactez-nous (contact@konexionculture.com) !

Merci