A travers son film documentaire intitulé “Le silence des origines”, la réalisatrice malienne, Fatoumata Tioye Coulibaly, a décidé de valoriser un élément clé du patrimoine national : le bogolan. Le film a officiellement été présenté le vendredi 14 octobre 2022 au Ciné Magic ex-Babemba à l’occasion de la fête nationale d’Espagne.
Un documentaire riche en scènes, en personnages et en espaces, avec un sujet dont l’importance n’est plus à démontrer. En effet, le bogolan est un élément très important du patrimoine culturel national. Si par le passé il était très utilisé, surtout pour les cérémonies et les rituels, mais il a été fortement délaissé après.

En revanche, suite au travail de promotion qui, de plus en plus se fait par beaucoup d’adeptes de ce textile, une grande partie de la population commence à s’y intéresser à nouveau. C’est ce travail de mise en valeur du produit que poursuit le documentaire Le silence des origines, présenté le 14 octobre 2022 au Ciné Magic ex Babemba.
Mettre en avant celles qui « habillent le Mali »
Au-delà de chanter les valeurs du bogolan, tissu très ancien et symboliquement très significatif, Le Silence des origines a une mission encore plus importante : celle de mettre en avant les actrices du domaine, c’est-à-dire les femmes qui, depuis des lustres « habillent le Mali ». « Cette activité transmise de génération en génération est avant tout l’œuvre de ces dernières », déclare la réalisatrice.

Ces femmes sont avant tout des artistes dessinatrices, qui n’ont pas eu besoin de faire une école d’art pour avoir une maitrise impressionnante des techniques d’application des symboles et idéogrammes sur les tissus. L’environnement dans lequel elles vivent est déjà en lui-même une école. En termes de choix, de styles à adopter et selon les occasions, elles savent ce qu’il faut appliquer en matière de design.
Le documentaire est le fruit de deux années de travail. La réalisatrice et son équipe sont allées à la rencontre de ces femmes très impliquées dans le domaine du bogolan : leurs quotidiens, leurs méthodes de travail, la place du bogolan dans leur vie mais surtout dans la société, sont les angles traités par le film. On retrouve dans le documentaire des jeunes femmes stylistes dont la création et la vente sont basées sur le bogolan mais aussi des plus anciennes comme la centenaire Konimba Diarra dont la vie s’y résume.
Ce qui est fait avec de la boue
Appelé bògòlanfini en bamanankan, le bogolan est un modèle de tissu teint suivant une méthode traditionnelle très ancienne. Avec le mot « Bɔgɔ » dont la signification renvoie à la terre et le suffixe « lan » qui signifie « issu de », le terme bogolan peut se traduire en bamanankan par « ce qui est fait avec de la boue ». En effet, l’argile est un élément très essentiel dans la préparation de la teinture du bògòlanfini.

Bien qu’il soit d’origine malienne, on le retrouve un peu partout dans la sous-région (Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire…) C’est un textile avant tout propre à toute la zone géographique relative au Mandé. La valeur du bogolan, ses attributs, ses différents rôles dans la société, la multitude de significations qu’il implique, son origine et ses différentes méthodes de fabrication, le film est une richesse pour mieux cerner cet élément du patrimoine national, dans toute sa science, dans toute sa symbolique.
Fatoumata Fofana, une jeune entrepreneure qui intervient dans le documentaire encourage les uns et les autres à s’approprier le film mais surtout à s’habiller en bogolan : « C’est important de s’intéresser à ce tissu, de s’habiller en bogolan car il met en avant notre identité, notre richesse culturelle », explique-t-elle.

Quel avenir pour le bogolan ?
Le film a une autre mission. Il questionne sur l’avenir du bogolan qui, rappelons-le, souffre énormément du fait que sa survie est impactée par la modernité et la situation socio-politique que vit le Mali depuis une décennie. « La situation socio-politique affecte la population sur le plan socio-économique, à cause de la modernité les femmes rurales ne filent plus… à cause de la guerre les tisserands peuls abandonnent de plus en plus leur métier, le coton est exporté », s’inquiètent Fatoumata Tioye Coulibaly et son équipe.
Réalisé avec le soutien de la Coopération espagnole, c’est un film qui pose les bases d’une réflexion, d’un débat très préoccupant concernant l’avenir de cette richesse qui mérite promotion et sauvegarde au rang des classiques du patrimoine culturel national.
Issouf Koné