Sacré Carrosse d’or 2023 à Cannes (France), le réalisateur malien Souleymane Cissé a été accueilli en triomphe, le dimanche 27 mai dernier à Bamako. Les Maliens ont tenu à exprimer leur fierté et reconnaissance à l’homme qui aura marqué en lettres d’or le cinéma malien dans les annales du 7e art africain et mondial.
Habillé d’un boubou de bogolan jaune et coiffé d’un chapeau assorti de cet ensemble, le réalisateur malien Souleymane Cissé a été, à sa sortie d’avion, à l’aéroport international Modibo Kéita de Bamako, accueilli ce dimanche 28 mai 2023 par un beau monde composé d’artistes, cinéastes, représentants des autorités maliennes, proches et famille.
Récompensé du Carrosse d’or 2023 à Cannes par ses pairs de la Quinzaine des réalisateurs pour son œuvre, sa constance et son parcours remarquable et honorable, Souleymane Cissé a été accueilli en « héros » par ses compatriotes. Ovations et cris de joie et de fierté ont animé ces instants qui seront désormais inoubliables pour l’un des pionniers du cinéma malien, âgé aujourd’hui de 83 ans avec plus de 50 ans de carrière. « Je suis vraiment ému ce soir de voir ce beau monde venir me témoigner sa reconnaissance. J’en suis fier et honoré. Merci aux maliens pour la reconnaissance », a lancé Souleymane Cissé, ému.
Une distinction méritée
Lauréat de plusieurs distinctions dans sa riche carrière notamment deux Etalons de Yennenga remportés respectivement en 1979 et 1983 pour ses films Baara et Finyè, le Prix spécial du Jury au Festival de Cannes pour Yeelen 1987 et bien d’autres prix plus récents à l’échelle internationale, Souleymane Cissé se classe désormais comme la 2eme personnalité africaine à avoir décroché le Carrosse d’or après son homologue sénégalais feu Sembène Ousmane en 2005. « Je suis très fière aujourd’hui de mon père. En remportant ce prix, il fait honneur à la famille Cissé, au Mali et à toute l’Afrique » nous confie sa fille Fatou Cissé, également réalisatrice.
« Souleymane Cissé est aujourd’hui un monument, une icône que les jeunes doivent imiter et cette distinction qui lui a été décernée prouve que le cinéma malien peut encore aller plus loin », pense Salif Traoré, réalisateur, scénariste et producteur malien. Son confère Cheick Oumar Sissoko, également Etalon de Yennenga abonde dans le même sens en pensant qu’il mérite amplement cette distinction : « Souleymane Cissé mérite amplement le Carrosse d’or au regard de son parcours, des films qu’il a réalisés. Ce n’est que justice. Il a semé des œuvres inédites et aujourd’hui il est en train de récolter les honneurs.»
Chez Fousseyni Maïga, le directeur du Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM), c’est « un sentiment de fierté et de reconnaissance de voir l’un des cinéastes maliens et africains briller à ce niveau. C’est une occasion unique de célébrer ce grand ambassadeur de la culture malienne. C’est honneur pour nous aujourd’hui de l’accueillir avec ce trophée qui honore tout le Mali et toute l’Afrique.»
La reconnaissance de l’Etat malien
Cependant, cette récompense du réalisateur malien hautement saluée par le monde du 7e art malien relance le débat sur la reconnaissance à la hauteur de l’homme notamment de la part de l’Etat malien. « Mon film, ‘’Hommage d’une fille à son père’’ a été comme un cri de cœur envers notamment nos autorités afin qu’ils célèbrent comme cela se doit la carrière du réalisateur qu’il est aujourd’hui pour le Mali. Beaucoup de choses se font mais je crois qu’on peut faire mieux pour lui tant qu’il est encore vivant. Si aujourd’hui l’Europe et la France ont reconnu son travail, j’aimerais beaucoup que le Mali fasse autant », interpelle sa fille Fatou Cissé.
Si le directeur du CNCM pense qu’on peut faire mieux en termes d’hommage et de reconnaissance à l’endroit de Souleymane Cissé, il estime tout de même que l’homme est célébré tous les jours. « Le talent de Souleymane est reconnu tous les jours. Je crois que le meilleur moyen de lui rendre davantage hommage est de faire en sorte qu’il ait une véritable école de cinéma au Mali, rouvrir les salles de cinéma, remporter d’autres Etalons d’or, avoir des jeunes dont les films représenteront le Mali sur la scène internationale et donner vie à d’autres Souleymane Cissé », explique-t-il.
Après ce sacre et malgré son âge (83 ans), Souleymane Cissé ne compte pourtant pas s’arrêter là. Le réalisateur dit avoir d’autres projets cinématographiques. Fera-ti-il mieux que ces chefs d’œuvres qui ornent sa riche filmographie ?
Youssouf Koné
