La slameuse malienne Takaty Simpara alias Tatishka La Slameuse représente le Mali à la coupe du monde de slam poésie qui se déroule du 6 au 12 mai 2024 à Paris (France). Elle s’est brillamment qualifiée pour les demi-finales prévues ce vendredi 10 mai 2024. Portrait !
L’édition 2024 de la coupe du monde de slam poésie, démarrée le mardi 6 mai dernier, bat son plein dans la capitale française. Les organisateurs de la compétition ont décidé, pour cette édition, de donner l’opportunité aux représentants d’une grande partie des pays participants de slamer en leur langue nationale respective. Toute chose qui donne la chance à la slameuse malienne Takaty Simpara alias Tatishka La Slameuse, championne en titre de la compétition nationale de slam Fakan slam (slam en langues nationales) de représenter le Mali à cette grande messe du slam mondial.
La Maison de l’Air de Belleville située dans la rue Julien Lacroix, vibre aux rythmes endiablés des mots, des vers et des rimes en langues nationales dont le bambara ou encore le bamanankan, la langue nationale la plus parlée au Mali qui résonne sur le faîte du slam mondial. En effet, la représentante malienne, s’est, à l’issue des quarts de finale disputés ce 7 mai, brillamment hissée en demi-finales de la compétition en terminant deuxième de sa poule. Une performance de belle facture quand on sait que cette étape de la compétition avait regroupé 25 candidats représentant les 25 pays participants.
Une formation de sage-femme
Une prestation qu’elle entend sans doute reproduire lors des demi-finales prévues ce vendredi 10 mai. Une rude bataille des mots qui l’opposera à cette étape de la compétition à 11 autres challengers qualifiés. « Ravie d’avoir laissé cette trace, la malienne qui résonnait dans tous les recoins de la salle, Maison de l’air de la 20 » a-t-elle posté sur Facebook juste après sa qualification.
Pourtant, celle dont le visage et le nom sont bien connus aujourd’hui dans son pays ne pouvait s’imaginer une telle destinée : se découvrir porte-étendard du pays d’Oumou Sangaré et de Salif Kéita à une telle prestigieuse compétition mondiale. Elève brillante, Tatishka La Slameuse voulait sauver des vies en devenant sage-femme. Ce qui la conduit en 2018 à l’institut national de formation en sciences de la santé du Mali où elle opte pour la filière sage-femme d’Etat. Là, elle sort major de sa promotion en 2021 avec une licence professionnelle.
Mais elle fera malheureusement face à l’une des dures réalités de son pays en voulant décrocher un boulot et vivre sa première passion : la corruption dans le recrutement. « Malgré mes compétences tant chantées par mes encadreurs et pairs, je me retrouvais dans une difficulté énorme à décrocher un job (à juste valeur). Et étant victime de la corruption à plusieurs reprises, et connaissant également comment fonctionne le cercle, je me suis frayée ce chemin vers le slam », nous explique-t-elle. Mais ne dit-on pas que quand une porte se ferme, une autre s’ouvre ?
« Il n’y a pas que la médecine qui soigne »
Cet adage sied parfaitement au cas de Tatishka La Slameuse qui a décidé finalement de se consacrer au slam, cet art qui ne l’éloigne pas cependant de sa véritable vocation : soigner les gens. « J’avais opté pour être une soignante modèle mais la vie m’a forcée à comprendre qu’il n’y pas que la médecine qui soigne, le slam offre une thérapie plus efficace », reconnait-elle et d’ajouter : « Je suis une sage-femme des mots, je fais le suivi des maux dès leur conception jusqu’à leur terme et fais accoucher les mots qu’il faut dans l’optique de soulager les maux de la société ». Dans ses textes, elle dénonce l’injustice, la corruption, la mauvaise gouvernance entre autres. Elle s’est donnée comme mission de défendre le droit des hommes et d’être la porte-parole des sans voix.
Cet engagement lui vaut aujourd’hui sa notoriété artistique. Brillante, captivante et imposante sur la scène de par sa voix, son jeu scénique et la force de ses mots, Tatishka La Slameuse n’a pas attendu des lustres pour pouvoir s’imposer dans le slam malien. Sa passion pour les mots et la littérature depuis son jeune âge l’aide à se construire une carrière digne de son talent. En effet, Tatishka La Slameuse a toujours eu un penchant pour les mots et jouait avec sans savoir réellement qu’elle faisait du slam. « Il m’arrivait de composer des textes que j’appelais poèmes et nouvelles. Mais la particularité était qu’après chaque texte écrit, j’avais une envie mortelle de m’enregistrer à l’aide d’un dictaphone, histoire de savoir à quoi ma voix ressemblerait », nous explique-t-elle.
« Faso den » et « Lettre à Assimi Goïta »
Elle sera fortement encouragée par l’un de ses amis du nom de Job Tomkuo Ballo, qui voyait en elle une excellente slameuse bien qu’elle-même ne sachant pas vraiment ce que c’est que le slam à l’époque. « Malgré ma réticence d’adhérer à son avis, celui-ci, ne se découragera pas, il m’envoyait régulièrement les séquences de slam de Grand Corps Malade et d’autres slameurs du monde pour me convaincre ». Mais finalement, elle mordra à l’hameçon en se lançant dans l’univers incroyable des vers et des rimes où elle découvre leur puissance et leur force à changer les choses, à chanter les maux à travers les mots.
L’école de slam de l’association Jeuness’Art reste l’une des écoles qui ont perfectionné son talent. Aussi, les performances slamiques de l’artiste slameur malien Sory Diakité alias Saccharose Agréable Buccal ont également contribué à raffermir sa passion pour cet art. Sans surprise, Tatishka gravit rapidement les échelons et se classe parmi les slameuses maliennes les plus adulées et écoutées. Sa démarche artistique l’ayant fortement aidée. Car en plus d’être une artiste engagée pour les causes sociales, elle opte pour la langue bambara, la langue nationale la plus parlée au Mali élargissant ainsi son audience. Ses titres comme Faso den (Enfant du Mali) et Lettre à Assimi Goïta, sortis en 2023 lui a permis d’être visionnée des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux faisant d’elle la nouvelle coqueluche du slam malien.
Tatishka est lauréate de plusieurs prix notamment celui de la catégorie slam de Maxi vacances, une compétition organisée par la télévision nationale du Mali, le premier prix de la Francophonie organisée par l’Institut français du Mali et l’ambassade de France au Mali. Mais c’est grâce à son titre de championne de Fakan slam (slam dans nos langues nationales) qu’elle a été sélectionnée pour la coupe du monde de slam où elle défendra les couleurs maliennes ce vendredi 10 mai à l’étape des demi-finales : « Le rendez-vous est donc pris pour le 10 mai pour les demi-finales. À défaut de votre présence physique, priez pour moi » a-t-elle posté sur ses réseaux sociaux.
Youssouf Koné