Le Fonds africain pour la culture (ACF) a organisé le lundi 23 mai dernier, dans le cadre de la 14e édition de Dak’Art, au Monument de la renaissance de Dakar, une table-ronde pour réfléchir sur les mécanismes de financement des Industries culturelles et créatives (ICC) en Afrique. Cette table-ronde a permis aux panelistes non seulement de mieux présenter l’ACF mais de faire des propositions concrètes sur les moyens de financement des ICC en Afrique.
Dakar, la capitale sénégalaise est, depuis le début de la 14e édition de la Biennale 2022, une véritable métropole d’artistes et d’acteurs culturels d’Afrique et d’ailleurs. Cette Biennale se veut un espace de promotion, de rencontres, d’échange, mais surtout de plaidoyer pour les acteurs des arts et de la culture.
Le Fonds africain pour la culture (ACF) a eu l’ingénieuse idée de mettre à profit cet espace foisonnant d’acteurs culturels, de politiques et de partenaires de la culture pour organiser, en partenariat avec le programme Acp-ue Culture-AWA et Dak’art une table-ronde de haut niveau autour du financement des Industries culturelles et créatives en Afrique de l’Ouest avec comme thème : «Quels mécanismes innovants et créatifs pour la résilience et le financement des industries culturelles et créatives en Afrique de l’Ouest ? »
Plus de 30 millions d’emplois dans le monde
Né aux Seychelles en 2018, sous l’impulsion de l’expert culturel malien Mamou Daffé et certains grands artistes du continent, le Fonds africain pour la culture (ACF) est aujourd’hui une organisation panafricaine engagée pour le développement des Industries culturelles et créatives (ICC) en Afrique à travers notamment un financement quasi-endogène. Il est donc primordial pour les fondateurs du fonds, de réfléchir sur les mécanismes de financement, notamment en Afrique, d’autant plus que les 50% de fonds doivent être assurés par les africains eux-mêmes.
Traditionnellement facteur de paix et de cohésion sociale, de partage et de solidarité dans nos sociétés, la culture, aux dires de Mamou Daffé, le président du Fonds africain pour la culture, de nos jours, est un élément incontournable dans l’économie mondiale avec plus de 30 millions d’emplois dans le monde, représentant 3% du PIB mondial. C’est donc un secteur assez dynamique qu’il faut soutenir en Afrique.
« Cette table a pour objectif, non seulement de partager les informations mais surtout d’approfondir les réflexions sur les mécanismes de financement. Aussi, nous voulons créer un cadre d’échange avec l’écosystème des bailleurs au niveau africain et au-delà. Cette table-ronde a également pour but de faire un plaidoyer auprès des autorités», a expliqué Mamou Daffé.
Une idée unique
Pour Aziz Dia, le représentent de la Secrétaire générale de la Biennale de Dakar au panel, l’ACF est une idée originale qui, pour le moment, est unique. Une idée que les partenaires au développement et les pouvoirs publics doivent soutenir. « Le financement est aujourd’hui fondamental avec les Industries culturelles et créatives qui aujourd’hui, sont pourvoyeurs d’emplois descentes », ajoute-il.
Uniquement financé par les artistes plasticiens à ses débuts, le Fonds africain pour la culture a, selon Abdoulaye Konaté, l’un de ses membres fondateurs, besoin du soutien de tous les artistes quel que soit leur discipline au vu du besoin car les premiers appels du fonds vont jusqu’à 500 voire 700 demandes. « Ce fonds, pour nous, est une partie de générosité qui caractérise beaucoup d’artistes. Nous avons aujourd’hui de très grands artistes au Sénégal et un peu partout en Afrique qui peuvent participer au financement de ce fonds », ajoute-il.
L’objectif principal de l’ACF est de soutenir les jeunes artistes à s’installer, à produire, à se structurer pour se lancer sur le marché international. Ce qui va permettre de changer le regard que notre société a de la culture aujourd’hui. « Nous souhaitons que pour les générations futures, aucun parent n’ait honte de dire que son fils fait de l’art parce que c’est fondamental. Beaucoup ont longuement considéré que l’art n’est pas un travail qui doit nourrir son homme. Cela doit s’arrêter et je crois que c’est aux artistes de changer cette perception de l’art dans notre société.»
En sus du Fonds africain pour la culture (ACF) qui s’étend sur toute l’Afrique, le programme Acp-ue Culture-AWA qui est également une initiative locale de soutien au développement des ICC en Afrique de l’Ouest, intervient dans 15 pays ouest-africains sur les 16. Lancé en décembre 2020, le programme, aux dires de son coordinateur Mohamed Doumbia, se donne comme mission la dynamisation de la compétitivité des industries culturelles et créatives en Afrique et le développement de l’économie numérique à travers un accompagnement des acteurs culturels dans la transition numérique. « Sur le projet AWA, nous souhaitons que l’Afrique soit repositionnée autrement. Le réceptacle des financements mais aussi l’actrice de la mise en œuvre de ce financement doit être partie prenante de la gestion de ces financements qui sont gérés dans le village par les villageois et non en ville », explique Abdramane Kamaté, le représentant de l’Institut français de Paris, partenaire du programme AWA.L’autre aspect important de ce mécanisme du projet AWA, selon lui, est que les bénéficiaires jouissent d’un programme de formation en entreprenariat, basé sur les codes africains qui répondent au mieux, aux réalités de leur terrain et aussi au réseautage. Ce qui permet de mettre les acteurs dans des réseaux pour un meilleur épanouissement.
Une table ronde riche en propositions
Au cours de la table-ronde, plusieurs pistes de solutions à adopter pour le financement de la culture en Afrique ont été proposées par les panelistes. Alphonse Tougouma, directeur général du fonds de développement de la culture et du tourisme du Burkina Faso estime que les Africains ont l’obligation de faire vivre ce fonds africain pour la culture et de le pérenniser : « A partir de 2023, je vous propose d’instaurer un minimum de cotisation pour les États africain qui veulent bénéficier des financements et nous sommes déjà partants pour cela. Nous encourageons les États et les acteurs à y contribuer ». M.Tougouma propose également aux acteurs culturels de convaincre les opérateurs économiques en leurs prouvant que le secteur de la culture est un secteur où ils peuvent se faire du profit comme dans tout autre domaine d’activités.
La directrice de la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques invitent l’ACF à s’inspirer du système français dont la plus grande source de financement de la culture sont les grandes sociétés technologiques, notamment de télécommunication, des plateformes audiovisuelles, de musique entre autres, installées en Afrique. « Depuis une dizaine d’années, elles sont les sources majeures de financement de la culture. Ce sont ces sociétés technologiques qui, grâce au taxes parafiscales sur ces services en France, financent la production et la diffusion des œuvres locales », explique-t-elle.
L’ACF, ajoute-t-elle, est une belle initiative qui prouve que les artistes ont décidé de prendre leur destin en main mais les États africains doivent soutenir ces actions en les finançant et aussi en soutenant les lieux de production de diffusion des œuvres artistiques.
Youssouf Koné, envoyé spécial à Dakar