La salle de spectacle de l’Institut français du Mali a accueilli le samedi 4 juin dernier, le spectacle de danse intitulé «Quand deux cœurs se battent » de la compagnie Karadoum, une performance au rythme de l’amour et de la haine entre deux cœurs. Un autre spectacle «Maa» ou « l’Homme » de la même compagnie a servi d’apéritif aux spectateurs dans le hall de l’Institut.
C’est un public hétéroclite qui s’est donné rendez-vous le samedi 4 juin à l’Institut français du Mali qui, en ouverture de sa programmation juin-juillet 2022, a misé sur la danse contemporaine avec deux spectacles de la compagnie Karadoum.
Il s’agit de Quand les cœurs se battent, un duo d’amoureux qui s’attire et se rejette, s’aiment mais parfois préfèrent la haine et le rejet et Maa ou l’Homme, un solo qui questionne la dualité du bien et du mal qui habite l’Homme.
Maa ou l’Homme
Le premier spectacle a été joué dans le hall de l’Institut. Maa ou l’Homme est un solo qui fait du spectateur un acteur. Le danseur apparait dans le public, torse nu, portant un seau avec des visages de différentes humeurs faciales dessinées là-dessus. Le son d’une flûte l’accompagne. Il se promène dans le public, est même complice avec ce dernier.
Après un moment de complicité, il s’isole et se livre à une performance de danse, une expression corporelle presqu’électrique. Ses mouvements présentent un homme se protégeant le visage. Mais de quoi ? Il est seul et se contredit dans ses gestes. Tantôt il semble subir et il se protège le visage, tantôt, c’est lui qui semble être la menace. Comme pour dire que l’Homme est la victime et le coupable de ses peines ? Ensuite, changement de rythme musical. Un titre de hip hop remplace le son de flûte, d’autres danseurs s’emparent de la scène et tirent le public de la séance de méditation qui lui avait été imposée. Ce temps d’euphorie fini, l’homme mélancolique, reprend la scène avant de disparaître peu de temps après en courant. Comme pour dire que la vie est une scène de théâtre où chacun vient jouer son rôle et repart.
L’amour ou la haine ?
C’est sur un air interrogateur que le public regagne ensuite la salle de spectacle pour la pièce, la deuxième de la soirée intitulée Quand les cœurs se battent. Après un temps de bruit dans la salle, un noir annonceur du spectacle s’installe. Et l’attention du spectateur est captivée sur la scène par un homme en chemise rouge, sous une lumière rouge, presqu’à quatre pattes, membres en mouvement quasi-tremblants sous un fond sonore de brousse mêlant gazouillement d’oiseaux et bruit de tonnerre. L’homme semble extérioriser ses émotions de chagrin d’amour. Puis disparait de la scène.
Une autre lumière couleur or propulse une jeune dame au milieu de la scène, habillée d’un haut blanc éclatant. Elle marche à pas hésitants vers le public puis se lance dans ses expressions corporelles dont la métaphore de l’expressivité laisse entrevoir une âme en souffrance, une âme qui semble réclamer une autre à laquelle elle est est fortement liée. La rencontre des deux danseurs sur la scène donne lieu à une querelle de sentiments d’amour difficile. Tantôt l’homme porte la femme sur le dos tantôt ils s’entrelacent, se rejettent… et s’attirent. Leurs mouvements s’évitent, se retrouvent et se conjuguent.
C’est une contradiction. L’envie et le rejet, l’amour ou la haine ? Le couple sur la scène ne semble pas pouvoir accorder ses violons et accepter de vivre leur amour malgré les doutes et les incertitudes. La peur de l’autre ? L’union des cœurs et l’éloignement semble prendre le contrôle de l’expression des corps du duo et dont le duel d’amour ne semble avoir de fin… un répertoire musical aux sonorités variées, composées des chansons d’amour de Fatoumata Diawara, de Ami Yèrèwolo et de Sahel Roots viennent adoucir les cœurs.
Trois tableaux
Quand les cœurs se battent peut se résumer en trois tableaux. D’abord, la solitude des amoureux. La peur de l’autre, la peur d’être déçu (e), blessé(e) ou trahi(e) nous poussent à se méfier de l’autre malgré ce qu’on peut ressentir pour la personne. La pièce présente les doutes et les méfiances de chacun dans sa solitude. Ensuite vient l’écroulement des barrières face à l’amour. Les cœurs se retrouvent, s’unissent. Le duo se livre souvent à un duel mais l’amour finit par triompher. Le tableau de la dernière performance semble être celui de la vérité, de la fin. La femme seule sur la scène accueille entre ses mains une lampe venue peut-être annoncer la fin définitive car la flamme de la lampe semble s’éteindre avec celle de l’amour laissant la femme dans le noir abandonnée par l’homme.
L’une des forces de cette pièce, au-delà de la profondeur du texte plein de poésie qu’Abdoulaye Doumbia a su lui donner, est dans sa mise en scène dont la lumière a été magistralement assurée par Daouda Zerbo et Oumar Kamissoko. La bonne gestion de la lumière a apporté une plus-value au rôle des deux interprètes, Bokar Dembélé dit Bouba et Zita Damango dont la maitrise de la pièce et l’expression corporelle ont séduit le public.
Youssouf Koné