Pour son troisième numéro, tenu le 8 septembre dernier à Bamako Coura, le projet « Démocratisation de l’art à travers des after-work » s’est intéressé au plasticien malien Boubacar Touré, un artiste autodidacte pour qui l’art n’était qu’un exutoire.
Les arts visuels, notamment les arts plastiques et la photographie connaissent un essor incroyable ces dernières années au Mali. Ce, grâce à l’intérêt de la jeunesse pour ces disciplines. Cet engouement se confirme de plus en plus par la multiplication des expositions d’art ainsi que la création de nombreux collectifs de jeunes travaillant à la promotion ce domaine au Mali.
Cependant, cet effort des artistes a plus que jamais besoin d’être soutenu. Ces artistes, qu’ils soient issus des écoles d’art ou autodidactes ont besoin de visibilité afin de faire-valoir leur génie créateur. Et c’est dans cette optique que le projet Démocratisation de l’art à travers des after-work porté par l’association Express services présidée par la jeune journaliste culturelle malienne Aminata Agaly Yattara, a vu le jour. L’objectif de cette initiative soutenue par le Réseau Kya à travers l’Union européenne au Mali et le Fonds Maaya, est de mettre les projecteurs sur les artistes et leurs créations.
Un espace de découverte
Sous les arbres qui jouxtent le boulevard de l’Indépendance à Bamako Coura, les tableaux de l’artiste plasticien Boubacar Touré sont adossés à des chaises. C’est un public hétéroclite qui découvre cet artiste. Beaucoup ne le connaissait pas avant ce jour malgré son travail qui ne passe pourtant pas inaperçu des amateurs d’art.
« L’idée du projet est de permettre aux artistes de s’exprimer mais en dehors de leur atelier, en les amenant vers la population. L’objectif c’est que les habitants de ces quartiers notamment les jeunes et les enfants qui n’ont pas forcement accès aux galeries et expositions d’art puissent découvrir ces artistes et leur travail », explique Aminata Agaly Yattara qui grâce à son expérience de journaliste culturelle est devenue une actrice avertie de l’évolution mais aussi des écueils du monde culturel au Mali.
Si les trois premiers artistes participants à l’after-work notamment Youssouf Dolo, Boubacar Samaké et Boubacar Touré sont tous des plasticiens, c’est parce que cette discipline, contrairement à la musique, à la danse, au théâtre … est moins connue au Mali. Aujourd’hui les concerts de musique sont plus consommés par les jeunes. Or les galeries et les lieux d’exposition d’art notamment les visuels restent très peu fréquentés par cette jeunesse qui n’est peut-être pas cette culture des galeries ou peut-être tout simplement ne connait pas cet art.
L’after-work consiste non seulement à exposer les œuvres des artistes dans un espace hors les murs choisi dans leur quartier afin de permettre au public de les découvrir mais aussi à réaliser une émission télé avec eux. L’émission est diffusée sur une chaine de télé ainsi que sur des plateformes digitales. Au-delà de l’aspect visibilité, cette initiative se veut également un véritable espace de découverte. Car la plupart des artistes qui ont participé au projet ne sont quasiment pas connus du grand public malgré leur talent.
Un exutoire
« Cette initiative est salutaire en ce sens qu’il s’agit d’amener l’art vers les populations chez qui les arts visuels sont considérés comme élitistes, réservés à une certaine classe. Tout le monde n’a pas la culture d’apprécier les tableaux parce qu’ils ne sont pas assez connus. Le fait d’amener les artistes et leurs créations vers les populations permet de changer de regard sur l’art », soutient le journaliste Alexis Kalambry.
Le peintre Boubacar Touré ne se considérait pas vraiment comme un artiste. Ingénieur informatique de formation, il est employé dans une organisation internationale. L’art, pour lui, n’était qu’un exutoire. Autodidacte, son talent de dessinateur et sa passion pour l’art ont fait de lui un artiste, à un fort potentiel, à découvrir tant ses œuvres sont captivantes, sa démarche artistique saisissante. « Je crois que cette exposition m’a prouvé que je suis un artiste. Cette occasion qui m’a été offerte m’encourage à me consacrer davantage à l’art », nous a-t-il confié.
De simple portait à l’abstrait en passant par le figuratif et le semi-figuratif, Boubacar sait jouer avec les couleurs, l’ombre, la lumière et le pinceau à travers desquels il véhicule ses messages. « J’aborde très souvent le thème de l’injustice dans mes œuvres. Je suis quelqu’un de très engagé pour la cause des autres, des personnes qui subissent l’injustice. Je ne supporte pas l’injustice. Je parle également de la femme qui pour moi a un rôle très important dans notre société, dans nos vies », explique-t-il.
L’idée d’une première exposition individuelle et l’adhésion à un collectif d’artistes ne sont plus désormais qu’une question de temps pour Boubacar. Va-t-il un jour accepter de quitter le salariat au profit d’une carrière artistique ?
Youssouf Koné