L’un des panels organisés à l’occasion du festival de musique Afro Beat qui se tient actuellement dans la capitale Burkinabè, Ouagadougou, a porté sur le financement des Industries culturelles et créatives. Ce fut un rendez-vous aux propositions riches à l’instar des autres panels qui ont marqué cette édition du festival.
Réfléchir à des solutions pérennes pour le financement des Industries culturelles et créatives ; tel est l’exercice auquel se sont livrés quelques panelistes, tous professionnels du domaine culturel, au RAN Hôtel Somketa, le jeudi 28 avril 2023, à l’occasion de la 11eme édition du Festival de Musique Afro Beat de Ouagadougou.
La sphère culturelle dans l’espace UEMOA rencontre beaucoup de difficultés en termes de financement. Les acteurs culturels, qu’ils soient Togolais, Maliens, Sénégalais, Burkinabè…, pour la plupart du temps, sont obligés de se rabattre sur les structures d’aide occidentales pour faire décoller leurs projets. Ce qui engendre une dépendance non profitable aux Industries culturelles et créatives de la zone.
Relation banque – acteurs culturels
Le crédit bancaire, lors du panel, a été identifié comme étant une piste envisageable pour le financement adéquat des industries culturelles et créatives dans l’espace UEMOA. En ce sens que la banque pourrait, à partir d’un certain nombre de conditions à remplir par les structures et acteurs culturels, mettre en place un mécanisme de prêt qui permettrait aux structures culturelles de mener leurs actions.
Cette solution reste cependant difficile à mettre en place car les banquiers et les acteurs culturels ne parlent pas le même langage. Si les professionnels du domaine culturel ont besoin de financement, les banquiers en revanche, ont une méconnaissance du secteur de la culture : « Les acteurs culturels doivent comprendre que nous les banquiers, avons été formés pour dire non. C’est à eux de nous convaincre », a déclaré Boukary Ouédraogo, banquier.
Il faudrait donc organiser des rencontres entre banquiers et acteurs culturels afin que chacun apprenne à connaître l’autre, a suggéré pour sa part l’honorable Salif Sanfo qui n’a pas manqué de rappeler que les acteurs culturels oublient de prendre en compte les exigences d’une entreprise vis-à-vis des banques : « Nous avons tendance à négliger cet aspect, alors que peu importe la particularité du produit culturel, l’entreprise culturelle a les mêmes exigences que tout autre entreprise », a-t-il rappelé.
« Un artiste n’est pas un misérable »
« La culture, disait Thomas Sankara, reste quand on a tout perdu mais c’est la seule chose qu’on oublie quand on se rappelle de tout ». Ceux qui la font vivre, à travers leurs créations, ce sont les artistes. Ce serait donc une erreur de les considérer comme des misérables.
Le financement du secteur culturel devrait couler de source, selon Remy Sagna, expert culturel Sénégalais. Les États, dans ce sens, à travers leur différent ministère de la culture, ont le devoir de mettre en place des plans de financement pour les Industries culturelles et créatives.
Selon Salif Sanfo, le financement du secteur culturel, malheureusement, ne fait pas partie des priorités des États membres de l’UEMOA. Lui qui a siégé à l’Assemblée législative de transition en tant que membre de la commission culture, pense qu’on ne peut pas changer un système de l’extérieur. Les acteurs culturels, pense-t-il, doivent faire partie des instances de décision et être exigeants : « Le financement des Industries culturelles et créatives dépend des acteurs culturels. On ne doit plus demander mais plutôt exiger. C’est notre attitude qui déterminera notre altitude ».
La formation
La négligence de l’aspect formation par bon nombre d’acteurs culturels a aussi été évoquée lors du panel. En effet, beaucoup d’acteurs culturels sont en manque de compétences. Il est difficile pour un grand nombre de monter un dossier de recherche de financement en bonne et due forme.
Un autre constat est que les artistes de l’espace UEMOA, pour avoir un « semblant de carrière », sont obligés d’avoir des agents artistiques européens. « Il faut donc penser à multiplier les écoles et les formations dans plusieurs domaines culturelles dans la zone UEMOA afin qu’on soit riche d’un monde culturel capable de défendre sa cause vis-à-vis des décideurs et des financeurs », a proposé Alif Naaba.
« La culture est un tout. Les acteurs doivent comprendre qu’en s’instruisant davantage sur d’autres domaines comme le droit, la finance etc. il maximise leurs chances vis-à-vis des bailleurs en créant les conditions pour un financement continuel des Industries culturelles et créatives », a indiqué pour sa part Lamine Ba, journaliste culturel sénégalais et représentant de musique In Africa.