La quatrième édition du Festival Agna se tiendra du 15 au 19 mars prochain sur l’île déserte de Koulikoro. Dans le cadre du pré lancement de cet évènement devenu l’un des plus importants de la localité, une table ronde regroupant plusieurs acteurs de la culture et de l’innovation s’est tenue le 18 février 2023, à l’hôtel Nanagaleni de Koulikoro.
Cet atelier de réflexion, piloté par le metteur en scène Hassane Kassi Kouyaté a enregistré la participation de plus d’une vingtaine d’acteurs culturels aux statuts différents dont le marionnettiste Yaya Coulibaly, l’écrivain et éditeur Adama Traoré, la réalisatrice et comédienne Fatoumata Coulibaly, le directeur délégué du Complexe culturel Blonba, Drissa Samaké, le directeur de l’association Acte Sept, Adama Traoré et bien d’autres.
Les discussions avaient pour objectif de réfléchir sur les pistes possibles d’amélioration du Festival qui, aux dires de Fousseni Diakité du groupe Walaha, a grandi au point d’être devenu l’enfant de tous. « Ce festival hybride qui s’est donné pour mission de valoriser le cinéma et la musique a grandi tellement vite que pour le porter encore plus haut, il était nécessaire pour nous de faire appel à d’autres acteurs de la culture pour confronter les idées et trouver des axes pour son amélioration », explique-t-il.
L’art et la culture pour le développement
Le Mali, touché par une crise multidimensionnelle depuis 2012, a perdu un peu de son attrait. Que ce soit sur le plan touristique ou du côté des investisseurs, la méfiance prend du terrain. Le choc se fait ressentir donc sur tous les domaines, notamment sur celui de la culture. « A l’extérieur, les gens ont du Mali, l’image d’un pays carrément à terre. Les festivals sont justement là pour effacer cette image et prouver au reste du monde que ce n’est pas toujours le cas, que les choses se sont améliorés », a expliqué Hassane Kouyaté, qui a rappelé qu’il n’avait pas mis les pieds au Mali depuis une vingtaine d’années.
Au bout d’une journée de travail, des différentes discussions, ont jailli plusieurs propositions aussi novatrices les unes que les autres. Les acteurs présents, tous unanimes sur le fait que les arts et la culture sont le socle du développement de tout peuple, ont insisté sur l’importance de multiplier ce type de rencontre : « Le développement de nos sociétés ne peut passer que par l’art et la culture. Nous avons besoin de mettre nos richesses en valeurs à travers des évènements comme Agna », a expliqué Hassane Kassi Kouyaté.
Un aspect sur lequel le marionnettiste Yaya Coulibaly est revenu en partageant avec l’assistance une phrase forte que lui a légué son père de son vivant : « Un peuple a le temps de provoquer sa propre faillite politique, il a le temps de se relever, un peuple peut provoquer sa propre faillite économique, il a le temps de se relever. Mais lorsqu’un peuple provoque sa faillite culturelle il ne se relèvera jamais. »
Ismaila Samba Traoré a proposé l’intégration d’une dimension littéraire au festival à travers la lecture de textes poétiques. Une idée fortement approuvée par l’ensemble de l’assistance.
Agna, une aubaine pour Koulikoro et sa jeunesse
Fruit de la fusion de deux festivals à savoir le festival de cinéma « Ciné à dos » et le festival de musique dénommé « festival du désert d’Essakane », Agna, depuis sa mise en place il y a quatre ans de cela, est une véritable opportunité pour la ville et la région toute entière de Koulikoro dont elle participe fortement à l’économie et au développement. Il a déjà été adopté par toutes les couches de cette localité et est toujours attendu à chaque édition.
Le festival essaie de multiplier des actions qui peuvent permettre aux habitants et habitantes de Koulikoro de développer des compétences pouvant leur conduire à une certaine autonomie. C’est le cas d’un groupe de femmes qui a été formé à la photographie et doté de matériels pouvant leur permettre de faire des photos professionnelles. « Aujourd’hui, elles prennent des photos dans la ville lors des cérémonies de baptême et mariage et ont la possibilité de se faire un peu d’argent », nous informe Fousseyni Diakité.
Abdoulaye Guindo, représentant de la jeunesse de Koulikoro a exprimé son envie de voir ce festival comme une véritable opportunité pour la jeunesse de Koulikoro. Quand une jeunesse n’est pas occupée dit-on, elle peut facilement virer dans toutes sortes de dérives. « Le développement du festival ne passera que par l’implication véritable de la jeunesse et de toute la communauté de Koulikoro. Une jeunesse qui n’est pas occupée est très vulnérable. J’aimerai que les organisateurs qui font déjà beaucoup bien évidemment, prennent encore un peu plus cet aspect en compte », a-t-il souhaité.
Il est allé plus loin en demandant aux organisateurs, au comité scientifique et à toutes les personnes présentes de ne pas hésiter à faire des propositions à la jeunesse de Koulikoro.
Un site fragile
La date de tenue du festival est normalement passée. Vu qu’il se tient sur l’île déserte de Koulikoro, tout dépend de la nature et de ses exigences. Il arrive des fois que l’eau monte au point que tenir l’événement devient quasiment impossible. C’est justement la raison pour laquelle, cette année, le festival a été reporté au mois de mars.
Aussi l’île déserte est dans une situation fragile car elle est menacée par l’extraction de sable, une activité très pratiquée à Koulikoro : « Il faut vraiment réagir et rapidement car les exploitants de sables sont en train de raser toute l’île. A cette allure croyez-moi, l’année prochaine, il n’y aura pas de festival », a déclaré Madame Erika, propriétaire de l’hôtel Nanagaleni.
Conscient de cette situation, le conseil communal, selon le représentant du maire, a mis des bornes afin que l’exploitation du sable tout autour du site du festival prenne fin. Une action qui sera suivie d’un mot d’interdiction de la part du maire, très bientôt.
Issouf Koné