« Les mécanismes de financement innovants et créatifs pour le secteur culturel malien : enjeux et perspectives », tel était le thème d’une table ronde organisée le 15 juillet 2022 au palais de la culture Amadou Hampâté Bâ par le Réseau Kya. 8 structures engagées pour la culture en terme de financement étaient face aux artistes pour leur exposer leur mode de fonctionnement.
Quels sont les mécanismes de financement innovants et créatifs pour le secteur culturel malien ? Comment adapter ces mécanismes aux besoins des artistes ? Comment procéder en terme de rédaction et de structuration de son dossier pour bénéficier de financements dédiés à la culture ? Quels sont les enjeux et les perspectives autour de la question du financement des initiatives culturelles au Mali ?
Autant de questions aussi préoccupantes les unes que les autres, auxquelles la table ronde « Les mécanismes de financement innovants et créatifs pour le secteur culturel malien : enjeux et perspectives », organisée par le Réseau Kya, le réseau des organisations culturelles du Mali, le 15 juillet 2022 au palais de la culture Amadou Hampâté Bâ, a essayé d’aporter une réponse.
Avant le début de la table ronde proprement dite, Madame Mama Koné, présidente du Réseau Kya, a planté le décor en évoquant le rôle de la culture et son importance dans la société malienne. Le directeur du palais de la culture, monsieur Abdoulaye Diombana est allé dans le même sens, a salué l’initiative tout en évoquant la force de la culture dans le Mali d’hier et celui d’aujourd’hui.
Les artistes en difficulté
Au Mali, beaucoup de disciplines artistiques sont représentées. De la musique à la danse en passant par l’art de la marionnette, la littérature, la peinture etc. les artistes maliens sont quotidiennement au four et au moulin. De nouvelles créations, aussi captivantes les unes que les autres naissent au grand bonheur des amoureux du domaine.
Problème cependant, la majorité des créateurs ne vivent pas vraiment de leur art. Alors que le talent ne fait point défaut. Ils sont pour la majeure partie dans une précarité qui n’honore pas un pays aussi riche en terme de culture comme le Mali.
Bien qu’étant d’une importance capitale, le domaine culturel bénéficie de peu de financement, même chez les bailleurs étrangers qui soutiennent la culture malienne. C’est le cas de la Coopération suisse, dont seulement 1% du budget va dans le domaine culturel, a fait savoir sa représentante, Mme Rachel Sommer Traoré.
Recours à des appels à projet
A défaut de la vente des œuvres qui est devenue de plus en plus compliquée, beaucoup d’artistes et leur compagnie ont recours à des appels à projet de la part des institutions pour continuer à produire, vivre, en mettant en œuvre des projets d’utilité publique.
Périodiquement, ces institutions importantes comme la Coopération suisse, l’Union européenne, le Fonds Maaya, la GIZ Donko ni Maaya, le Fonds africain pour la culture (ACF), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et plein d’autres structures, lancent des appels favorisant des projets pour lesquels ils ont un intérêt comme c’est le cas de l’appel « Voix des jeunes et des femmes pour renforcer la cohésion sociale et le vivre ensemble au Mali » de l’Union européenne qui est en cours actuellement.
La table ronde avait justement pour but d’informer les artistes et les structures culturelles sur les types d’appel à projet et les procédures pour mettre toutes les chances de leur côté afin d’en bénéficier.
Les mécanismes de financement
Au total, des représentants de 8 structures étaient face aux artistes et autres acteurs culturels pour parler de leurs procédures à suivre pour bénéficier de leur financement. Il s’agit de la délégation de l’Union européenne, la Coopération suisse, la GIZ Donko Ni Maaya, le Fond Maaya, Le Fonds africain pour la Culture (ACF), le programme AWA, l’UNESCO et la Fondation Orange Mali.
A tour de rôle, les représentants de ces bailleurs ont parlé de leurs différents appels à projets périodiques qui soutiennent les initiatives culturelles. Ils ont souligné que le nombre d’appel à projet par an et les types d’appels varient selon les contextes et les possibilités en terme de financement. La situation actuelle du pays par exemple fait que la plupart de ces appels sont en lien avec la cohésion sociale, la paix, le vivre ensemble. Certaines difficultés relatives aux droits des femmes peuvent favoriser la mise en place d’un appel à projet pour la cause des femmes.
Dans leur mode de fonctionnement, il arrive que certains, comme le Fond Maaya, crée en 2012, octroient des prêts ou des fonds d’aide à la création. La structure (le Fond Maaya) à ce jour, a subventionné plus de 200 projets et fait 150 prêts. « Il faut cependant que les structures qui contractent les prêts les remboursent afin que d’autres structures puissent en bénéficier », a précisé M. Gaoussou Yah Touré, représentant du Fonds Maaya.
Toutes les structures présentent, dans leur mode de fonctionnement, procède beaucoup par appel à projet. Ils ont donc encouragé les acteurs culturels à faire preuve de vigilance en gardant un œil sur leurs réseaux (sites internet et page facebook) pour ne rien manquer.
Problème relatif aux dossiers
Ces appels à projet attirent beaucoup de monde mais très peu arrivent à convaincre les bailleurs : « Nous recevons des projets qui sont intéressants mais qui, malheureusement ne passent pas parce qu’ils ont des problèmes au niveau de la rédaction, » ont souligné presque tous les représentants des institutions présentes, en occurrence monsieur Aly Kola Daou, chargé de programme à Unesco-Mali ou encore M. Ivan Bertoux, Chargé de programme-Stabilisation à la Délégation de l’Union européenne au Mali.
Cet aspect a soulévé une petite indignation dans la salle et alimenté un peu plus les débats qui ont succédés à la table ronde. Alou Cissé dit Zol, danseur et chorégraphe, après une petite expression corporelle en guise d’entrée en matière, a déclaré que la plupart des artistes au Mali malheureusement ne sont pas allés à l’école. Tout ce qu’ils savent faire, c’est pratiquer leur art. « Les canevas des appels à projets sont parfois très compliqués à remplir. Du moment que vous savez qu’un projet est bon, pourquoi ne pas aider l’artiste dans la rédaction ? », a-t-il proposé.
Beaucoup d’autres personnes sont allées dans le même sens que Zol, notamment la comédienne Assitan Tangara de la compagnie Anw Jigi Art qui a souligné le fait que les structures et les artistes n’ont pas les moyens de se payer des monteurs de projets et que c’est un aspect que les bailleurs devraient prendre en compte en atténuant le contenu des appels qui comportent trop d’exigences.
Riche fut le débat. Comme proposition, il a été question de savoir si ce n’était pas important de mettre en place une cellule spéciale d’accompagnement des artistes dans la rédaction de leur projet.
Issouf Koné