Il fait partie de la vague des artistes qui ont marqué le Mali de l’après indépendance. Toujours au combat, Ismael Diabaté revient cette année avec une nouvelle série qu’il a baptisé « Les nœuds d’énergie ». La foule et l’énergie sont toujours au centre de son art.
Parmi ses réalisations, on relève le célèbre monument des martyrs qui se dresse encore fièrement au cœur de Bamako. Symbole d’espoir et de persévérance, ce chef d’œuvre inspiré du mouvement des foules, survenu lors des émeutes de 1991, demeure à ce jour la plus grosse référence de l’artiste, sa boussole. Ismaël Diabaté est en effet l’auteur du tableau de l’enfant blessé accompagné d’une foule, qui fait partie des œuvres contenues dans l’œuvre (le monument).

Une légende ? Quoi que l’on puisse penser, il fait partie des pionniers et des plus grands serviteurs du pinceau que le Mali a fait naitre. Au front depuis 1968, date de sa sortie de l’Institut national des arts de Bamako, flanqué du titre de sacré majeur de sa promotion (la deuxième promotion de l’Institut), ce natif de Kayes a gravé son nom dans du marbre, de par son combat artistique qui continue d’être un repère pour des générations.
Porté par le courage et l’énergie
Après quelques années de repos bien mérités, l’homme a décidé de revenir avec une nouvelle série intitulée « Les nœuds d’énergie ». La foule est toujours au centre de son processus créatif. Symbole de résistance, elle l’inspire et lui fourni la force nécessaire pour produire, pour vivre, pour transmettre de la force : « J’ai cherché les mots pour définir celui pour qui nous sommes là aujourd’hui. J’en ai trouvé deux : le courage et l’énergie. Le courage car il en faut pour avoir son parcours. Il en faut également pour s’opposer, pour le dire, pour accepter l’adversité. L’énergie a tout le temps été son vecteur. Il faut de l’énergie pour résister, pour créer, il en faut pour faire une pause et pour revenir », explique M. Haidara, promoteur de HGALLERY, très admiratif de l’artiste

Et ce courage porté par l’artiste, couplé à l’énergie qui le guide, pour ce retour, l’a conduit à HGALLERY au grand bonheur de M. Haidara qui ne cache pas sa satisfaction : « Je suis très honoré de recevoir cette légende ici à HGALLERY. Ismaël Diabaté a inspiré des générations et il continue de le faire. C’est un grand monsieur, un immense artiste ».
Une partie de la nouvelle série de l’artiste, à son humble avis, n’a rien de magistral. Peindre la foule n’est pas quelque chose de nouveau chez lui. La marque reste la même, du Ismaël Diabaté tout craché, même si la technique propose de nouvelles voies à exploiter pour la nouvelle génération d’artiste.
Les nœuds d’énergie, car l’énergie, argue-t-il, est au centre de tout. Il profite pour rappeler les quatre principes qui gouverne le monde : L’eau, la terre, le feu et l’air. « Quand on ne connait pas la cosmogonie dogon, on ne peut pas se le permettre sur une question aussi existentielle que celle de l’énergie. Ismael a compris que le néant n’est pas l’absence de matière », confie Oumar Camara K, critique d’art.

Très rattaché à la tradition
Ismael Diabaté est l’incarnation de la sacralité dans le domaine de l’art au Mali, un pays qu’il connait très bien. Il y est viscéralement attaché, accordant beaucoup d’importance à la tradition malienne. Cela se ressent dans son style, que ce soit sur du bogolan ou sur d’autres supports, même s’il reste à cheval entre l’art traditionnel et l’art contemporain. La priorité doit toujours revenir à ce que l’on est, car, pense-t-il, si l’Afrique veut prendre sa part dans l’art moderne universel, qu’elle propose quelque chose de différent. « Je suis très admiratif de cette manière de voir d’Ismaël qui pense que les formes de conscience sociale en Afrique ne doivent pas refléter les catégories esthétiques occidentales ».
Dans cette optique, il milite pour ce qu’il appelle un redressement culturel. « Il faut qu’on aille vers le redressement culturel. On peut gagner la souveraineté militaire mais si on ne gagne pas le redressement culturel, on aura tout faux », explique-t-il.

« Tafo, Sèbèn dén, idéogramme, Bougouni, Mounou mounou, la foule… » les tableaux de la série accorde une importance particulière à l’aspect traditionnel auquel l’auteur invite à plus de réflexions. « Je n’impose cependant pas une vision. Il faut prendre du temps pour regarder une toile, la scruter dans les moindres détails. Chacun doit regarder chaque œuvre, chaque silhouette, avec sa propre interprétation. Au-delà des apparences, vous verrez peut-être quelqu’un chose d’autre qui pourrait nourrir votre esprit, vous procurez de l’énergie », termine-t-il.
Issouf Koné