Jean Kassim Dembélé n’est plus à présenter dans le domaine artistique au Mali. Ce natif de Sikasso, a baigné dans ce domaine depuis sa tendre enfance. Il est à l’initiative de Mali Fashion Empire, un évènement qui met en avant la créativité malienne et africaine. Interview exclusive.
Kone’xion culture : Pouvez-vous vous présenter à ceux qui ne vous connaissent pas ?
Jean Kasssim Dembélé : Je me nomme Jean Kassim Dembélé. Je suis né à Sikasso, dans la troisième région du Mali. J’ai grandi entre Sikasso, Bamako, Kita, Bougouni et Bamako. Mais je préfère me définir comme Africain tout court. Artiste pluridisciplinaire. J’ai une formation de danseur avec un Diplômes d’Études Supérieures en Arts obtenu au conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasséké de Bamako mais je suis surtout connu comme créateur de mode, à l’initiative de JK Dressing, une maison de couture malienne que j’ai mis en place en 2017. J’ai aussi un Brevet de technicien en comptabilité (BT2).
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de suivre plusieurs autres formations dont une en coupe et couture en 2016 à Maridie Niare de Bamako, une formation et initiation à la couture pour le projet Balman soutenue par la fondation TOTAL et La Coopération Suisse en 2015, j’ai assuré l’assistanat à la Direction artistique, l’administration, à la comptabilité, à la communication (infographiste d’affiche – flyer – infolettres) à Donko Seko ; une association à but non – lucratif. En 2013, j’ai suivi un stage en Allemagne autour de l’administration, de l’organisation grâce à Donko Seko. J’ai également eu la chance de suivre plusieurs formations en danse et performance avec Arlaï Gonzalez, Opiyo Okach, Jordi Vidal, Jean Aurèle Maurice, Seydou Boro, Olga Mesa, Kettly Noël, Barbara Sarreau, Nelisiwe Xaba, Fabien Prioville, Koffi Kôkô, Bienvenu Bazié, Fatou Cissé à Donko Seko.
Vous dansiez par le passé. Parlez-nous un peu de ce parcours.
J’ai beaucoup participé à des compétitions de danse ou de théâtre avec mon établissement à Sikasso quand j’étais adolescent. J’ai représenté la région avec notre troupe à plusieurs biennales artistiques et culturelles. Nous avons encore un groupe WhatsApp regroupant des amis de cette époque-là et beaucoup ont oublié les chants de 2005, 2008 et 2010. Je m’en souviens encore comme si c’était hier.
Après 2008 quand j’ai eu mon BT2, je suis allé faire le concours du conservatoire. Mon père souhaitait que je fasse plutôt l’UG mais je suis resté sur ma conviction. Je me souviens même que lorsque je devais faire le concours, j’étais malade car on venait de m’opérer de l’appendice. Avec cette blessure, même pas cicatrisée, je suis allé passer le concours. J’ai fait le conservatoire donc. Par la suite, j’ai eu l’occasion de danser à plusieurs occasions que je ne pouvais pas finir d’énumérer.
Comment êtes-vous passé de la danse à la mode ?
Je crois que la mode m’a toujours habité. Tout petit déjà, je m’y intéressais fortement même inconsciemment. Je me souviens qu’au primaire, en 3eme année, la direction nous avait donné des livres pour aller étudier à la maison pendant les vacances. Et moi, mes livres, je les découpais, j’en faisais des robes, des pailles, des chemises etc. Avec des ciseaux. Alors que le but était d’étudier avec et de les ramener à la rentrée.
Après avoir découpé les pages pour en faire des objets de toutes sortes, j’ai tout mis dans le livre et à la rentrée, j’ai tout déposé devant mon maître. L’enseignant, au lieu de me frapper ou me crier dessus, a eu l’ingénieuse idée de se dire que cela était peut-être un signe que j’étais fait pour la mode. Je crois qu’un membre de ma famille m’a ensuite amené voir quelqu’un pour que je puisse faire de la couture. C’est lui qui m’a dit « Bon, toi là, je pense que ton truc c’est la couture ».
Avec mon BT2 en comptabilité, j’ai aussi travaillé comme assistant administrateur, j’ai été en Allemagne pour une formation sur l’aspect créatif de l’évènementiel. Ensuite, j’ai arrêté de danser car avec seulement cette discipline, je me sentais incomplet. J’avais du mal à gérer mes pulsions créatives. J’étais très imprégné dans le domaine culturel de manière générale et les idées fusaient de partout dans ma tête. La mode a un aspect assez vaste qui te permet de vraiment exprimer ta créativité et c’est ce qui me parlait le plus.
J’ai une amie, Munnie Schumann, qui a une marque qui s’appelle « Afro Fashion ». Du coup, je suis allé chez elle et j’ai commencé à travailler en tant que gérant de son atelier. Et… Quand les clients venaient, ils se dirigeaient vers moi. Mes idées, leurs plaisaient. C’est pendant cette période que tous mes souvenirs sont revenus. Je me suis souvenu que tout petit, j’avais même une poupée à moi que j’habitais. Je savais faire du tricotage. J’ai baigné dans ce milieu, dessiné des visages, des foulards, des stars comme Oumou Sangaré, Ami Koïta avec son grand foulard etc. Je suis content aujourd’hui d’avoir travaillé avec Oumou Sangaré ou Fatoumata Diawara qui sont des personnes que j’admire énormément.
Vous avez ensuite occupé plusieurs responsabilités lors d’évènements de mode importants. Parlez-nous en un tout petit peu.
En effet, j’ai travaillé avec d’autres marques maliennes et des associations aux alentours de 2015. Je fais un clin d’œil à Maria Bocoum au passage. Depuis là, j’ai compris que j’étais à fond dans ce que j’aime et je n’ai plus quitté le domaine.
J’ai aussi assuré des responsabilités pendant des événements. En janvier 2015 j’étais responsable de Backstage, j’ai participé à l’organisation en tant que responsable de Backstage du défilé de mode Bogolan Réalisé par Le Cercle Culturel Germano-malien en collaboration avec l’Ambassade d’Allemagne au Mali ; la même année, j’ai participé à l’organisation en tant qu’adjoint-Logistique et responsable de Backstage de la première édition de Bamako Fashion Week, un événement de l’Alliance des Couturiers et Créateurs de Mode du Mali (ACCM) en Partenariat avec Le Ministère de la Culture, de l’Artisanat et du Tourisme ; en juin 2017, j’ai participé à l’organisation en tant qu’adjoint-Logistique et responsable de Backstage de la Dakar Fashion Week avec Adama Paris entre autre…
Comment vous vient ensuite l’idée de créer en 2017 JK dressing ?
Mes vêtements, ceux que je porte, je les crée moi-même. Et je pense que cela a beaucoup contribué à promouvoir mon savoir-faire partout où je suis passé. Des designers maliens ou d’ailleurs qui me demandent qui a conçu telle ou telle tenue. Quand je dis en être l’auteur, j’entends « Mais qu’est-ce que tu attends ? Vas-y, lance-toi ! Pourquoi perds-tu ton temps ?
Toutes ces voix m’ont encouragé, m’ont donné de la force, ont accentué la confiance que j’avais déjà en moi-même.
Un événement qui vous a marqué à vos débuts avec JK Dressing ?
Le nom et le logo de l’entreprise trouvés, j’ai commencé mes créations. L’idée était de me démarquer. Faire quelque chose de vraiment sérieux car je considère ma marque comme ma femme et mes créations comme mes enfants.
En 2018, j’étais chargé de production à la Nouvelle top, une émission de télé réalité sur la mode tournée au Maroc. Adama Paris m’a demandé de venir avec mes jupes. Quand je suis arrivé et qu’elle a vu mes créations, elle m’a dit que j’allais finalement défiler. J’étais agréablement surpris.
Ce jour-là, les gens, qui, au départ me négligeaient, ont finir par me respecter quant à la fin du défilé, je suis monté sur scène pour saluer. Ils m’ont porté en triomphe. Tout le public s’est levé. C’était un moment très marquant.
J’ai ensuite enchaîné avec des collections dont ma deuxième qui s’appelle N’golo.
Vous êtes l’initiateur de Mali Fashion Empire dont nous avons assisté à la phase du Fini Yira qui s’est tenu le mois dernier à Bamako. Parlez- nous de cet événement et quelle sera sa suite ?
Mali Fashion Empire est un programme professionnel pour les métiers de la mode. Tous les domaines de la mode sont concernés. Pour les quatre premières années, nous mettrons l’accent sur le design.
Le premier volet du Mali Fashion Empire concerne le Fini gilan. Pour cette phase, on sélectionne 10 jeunes qui ont déjà une connaissance de leur métier (coudre, dessiner, tailler…) Pour une formation.
Après la formation, suivra le Fini Yira ; c’est-à-dire la structuration. Montrer les produits sur scène, en catalogue, en shooting etc et . C’est aussi les guider dans leur évolution en tant que désigner. Un autre aspect du Fini Yira que nous avons décidé de mettre en place est une émission de télé réalité.
Le dernier aspect est le Fini Féré. Les produits seront disponibles partout à travers le monde sur des sites de e-commerce. Nous avons déjà des partenariats qui sont en bon début avec des structures évoluant dans ce domaine. Les jeunes créateurs pourront mettre en avant leur produit sur ces différentes boutiques en ligne notamment celui de l’événement : https://www.malifashionempire.ml/
Je profite pour remercier nos partenaires notamment l’ambassade de France au Mali, l’Union européenne, le Projes, l’espace Gaïa, l’hôtel de l’amitié…
Propos recueilli par Issouf Koné