Kènèkan plus 2023 est lancé. La Compagnie Anw Ka Blon, avec cette saison II qui fait suite à la première expérience concluante qui s’est tenue entre octobre 2022 et mai 2023, s’inscrit dans une démarche qui vise à proposer de plus en plus de spectacles de théâtre. Un projet ambitieux et prometteur qui part d’un constat simple : la faible diffusion de spectacles de théâtre au Mali.
En effet, les quelques salles qui existent sont en manque de spectacles car l’aide à la création ne suit pas l’engagement des jeunes créateurs. « Au Mali, chaque année, le Conservatoire national des arts et métiers multimédia Balla Fasséké produit des artistes qui en ressortent la tête bien pleine. Et bien qu’ils soient animés de dévouement, ces artistes ne sont pas dans les conditions pour proposer des spectacles fréquemment et c’est dommage », fait remarquer Hakim Diallo, coordinateur du projet Kènèkan plus saison II.
Un constat contradictoire quand on sait du Mali qu’il est un pays à fort potentiel sur le plan théâtral. Son Kotèba, cette forme de théâtre traditionnel qui influence considérablement le théâtre d’intervention, le représente très bien à ce niveau. Beaucoup d’acteurs, sortants de l’Institut national des Arts ou du Conservatoire se sont illustrés sur des planches au Mali ou ailleurs.
Redynamiser le secteur du théâtre
Kènèkan, initié par la Compagnie Anw Ka Blon veut redynamiser le secteur du théâtre en permettant aux Maliens d’en voir couramment mais aussi de comprendre que le théâtre est un métier comme les autres. Le comédien et metteur en scène Jean Marie Ambroise Traoré, à juste titre le rappelait dans une vidéo devenue virale sur Facebook : « Les gens ont pour habitude de dire que leur travail, ce n’est pas faire du théâtre comme si le théâtre n’avait pas d’importance alors qu’il est un vrai travail comme les autres », martelait-il.
Un métier qui mérite respect et considération car il participe activement à la construction citoyenne. Pour Levis Togo, Directeur artistique de Anw Ka Blon et initiateur de Kènèkan plus, le public doit venir voir le théâtre car les professionnels le font pour eux : « Le théâtre est un vrai métier. Ce sont des professionnels qui se donnent corps et âme pour produire ces spectacles destinés au public. Il est donc important que celui-ci vienne les voir ».
Une approche particulière
L’approche de Kènèkan plus est assez singulière car elle cible les élèves et étudiants. Le lancement de cette saison II s’est d’ailleurs déroulé à l’Institut du sacré cœur à Baco Djicoroni ACI. Les élèves ont pu voir le spectacle Korka la muette, un texte de Levis Togo et Aissata B Maiga, dans une mise en scène assurée par Nina Prisca Kouyaté. Représenté plusieurs fois, il s’agit d’un texte qui a pour thématique la violence faite aux femmes. « Dans le regard des plus jeunes, lors de la représentation, on pouvait remarquer de l’émotion, de la sensibilité. C’est cela le but de Kènèkan plus, occasionner un changement de mentalité chez les jeunes », explique la metteuse en scène.
Selon Levis Togo, cibler les élèves et étudiants n’est pas un choix fortuit. L’équipe de Kènèkan a fait ce choix en se référant au fait que ceux-ci sont les adultes de demain et qu’il est important pour eux de s’enrichir suffisamment sur le plan intellectuel et culturel pour la gestion efficace des affaires demain. « Les élèves et étudiants auront la lourde tâche de prendre le relais demain sur l’aspect administratif. En composant avec eux dans le cadre de ce projet, l’idée est de stimuler leur intellect, faire en sorte qu’ils aient les armes nécessaires pour être de bons gestionnaires demain ».
À cela, une autre vision est d’inculquer aux plus jeunes l’amour du théâtre dès le bas âge. Les adultes, explique Hakim Diallo, sont difficiles à convaincre parce qu’ils ont atteint un âge qui ne rend pas facile la tâche. Bien qu’ils soient conscients de l’importance du théâtre, ils ont du mal à lui accorder l’intérêt nécessaire : « Avec les plus jeunes qui ont tout l’avenir devant eux, le changement de mentalité et d’intérêt pour le théâtre est possible », ajoute-t-il.
Exploiter le pouvoir du théâtre
Levis Togo renchérit en expliquant que l’art d’une façon générale, bien qu’étant très important, n’est pas bien défendu dans les instances de décision et que cela en partie, est dû au fait que beaucoup d’adultes qui décident aujourd’hui, dans leur enfance, n’ont pas eu l’occasion d’être imprégnés dans le monde des créations : « Kènèkan veut que ces enfants soient des défenseurs de l’art de manière générale. Pour que cela soit possible, il faut leur parler des bienfaits du domaine depuis leur bas âge ».
Sirafily Diango, professeur de lettre et homme de théâtre ne cache pas sa fierté. Kènèkan plus pour lui est en train de ramener le théâtre dans l’espace scolaire ; un pur bonheur pour lui qui traîne une petite nostalgie de son adolescence pendant laquelle il a découvert le théâtre à l’école et l’a ensuite conduit au lycée Massa Makan Diabaté où il a enseigné. « Je suis avec ces jeunes depuis le début de l’aventure et bien avant d’ailleurs car la cause est noble. Le théâtre a un pouvoir inestimable qu’il faudrait exploiter. Et cela, Aw Ka Blon l’a compris ».
Kènèkan plus saison II se poursuit jusqu’en mai 2024. Chaque mois, deux spectacles seront proposés au public dans des salles qui seront communiquées au fur et à mesure que l’initiative se poursuit. Des discussions avec des partenaires sont aussi en cours.
Issouf Koné