La « Pirogue du Zémé » est une initiative artistique qui entend explorer le fleuve Niger en en faisant un espace de création artistique mais aussi de dialogue qui pense autrement le progrès de ses populations riveraines. Le projet financé par l’Union Européenne (UE) a été présenté à la presse, le jeudi 31 mars dernier au siège de la compagnie Don Sen Folo, situé à Bancoumana dans le Mandé.
Dans le monde d’aujourd’hui, confronté à une foultitude d’enjeux socio-politiques, économiques et environnementaux, il est du devoir de chaque citoyen, quel que soit son domaine d’intervention, d’œuvrer à permettre à sa communauté de faire face aux défis auxquels elle est confrontée. Et les artistes, à travers leur imagination, leur capacité créative et leur sensibilité ont aussi leur rôle à jouer dans ce combat.
L’initiative de la Pirogue du Zémé, imaginée par Don Sen Folo – Lab et financé par l’Union Européenne s’inscrit parfaitement dans cette démarche de la création artistique contemporaine. Le projet sera réalisé par la Fédération des associations culturelles maliennes dénommée Founou founou, composée de Don Sen Folo – Lab, Yamarou Photo, l’Association AMMCDR et Anw Jigi Art. « La “Pirogue du Zémé” est un transporteur de rêve, un outil de dialogue entre les Hommes. C’est un lieu de résidence artistique et une scène nomade qui vient à la rencontre des populations riveraines du fleuve Niger », expliquent les initiateurs du projet.
Quatre volets principaux
La Pirogue du Zémé comporte 4 volets principaux qui s’étaleront sur une durée de 4 ans. La première étape du projet qui s’intitule chantier-école, concerne le temps de la conception et de la réalisation de la pirogue, du renforcement de capacités et des compétences de 10 jeunes artisans menuisiers et forgerons de Bancoumana, Ségou, Mopti, Tombouctou, et Gao. La deuxième étape, le volet Résidences artistiques, quant à lui, comporte 12 résidences, regroupant 24 artistes maliens, issus des domaines du théâtre, de la photographie, de la marionnette et de la danse.
Les créations des artistes seront axées sur les thématiques du changement climatique, de la participation des femmes aux processus de décision, de la voix des jeunes, de la migration ainsi que des déplacements forcés. Le troisième volet, Recherche-Action, se veut un processus participatif et interactif autour de connaissances locales pour une prise de conscience et une réflexion impliquant une croissance inclusive et durable. Le quatrième et dernier volet du projet sera consacré aux Ateliers d’initiation qui seront organisés dans les 5 territoires. Il y aura 10 ateliers par territoire, soit 50 en tout.
« Un gros challenge »
L’idée de la Pirogue du Zémé intègre plusieurs facteurs de création artistique et de médiation par la culture. C’est une grande pirogue d’une taille de 24 mètres de longueur et 6 mètres de largeur, qui sera construite par le designer malien Cheick Diallo, assisté par 10 jeunes apprentis menuisiers issus des villes riveraines du fleuve Niger de Bancoumana au sud, à Gao au nord (Il s’agit du premier volet du projet). L’autre particularité de cette pirogue, en plus de sa taille imposante, est le fait qu’elle sera démontable pour faciliter son déplacement, notamment dans les parties du fleuve non navigables comme le trajet fluvial Bamako-Koulikoro. « Un gros challenge », selon le designer qui qualifie ce projet de presqu’utopique.
« C’est une plateforme flottante que nous sommes en train de construire. Une pirogue avec une scène pour les artistes. Elle va accueillir aussi des résidences artistiques avec toutes les commodités, notamment des dortoirs et des toilettes. Elle peut prendre environ une cinquantaine de personne », explique Cheick Diallo qui ajoute que la construction de cette pirogue prend en compte l’aspect écologique. Car contrairement aux autres pirogues qu’on retrouve chez nous, faites pratiquement à base de bois, la Pirogue du Zémé ne touchera pas au bois. Elle sera construite avec du fer et des matériaux de récupération comme le plastique.
Enrichir le patrimoine culturel et artistique
Le mot Zémé est un mot bambara qui signifie, dans la tradition malienne, le guide, le gardien ou celui qui s’occupe de l’éducation des circoncis dans nos sociétés traditionnelles. Cheick Diallo adossera cette tunique partagera son expertise avec les 10 jeunes apprentis qui profiteront durant environ les trois mois que prendront la construction de la pirogue tout l’artiste qui devra jouer ce rôle auprès des populations.
« A travers le programme qu’offre le projet “Pirogue du Zémé”, les artistes et populations maliennes s’approprient un patrimoine et une créativité en reconnaissant le tissu social comme bâtisseur d’une communauté. Les zones rurales du Mali que sont les territoires de Bancoumana, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao, seront enrichies d’une vie culturelle durable et fédérée par des relations et échanges entre les acteurs du territoire », explique Lassine Koné, Directeur artistique de la compagnie Don sen Folo.
Pour ce faire, ces acteurs mettent au cœur de leurs actions des questions liées à la sauvegarde des écosystèmes et de la biodiversité du fleuve Niger ; à l’attention accordée à la voix des jeunes, à la participation des femmes dans les processus de décision, à la prévention de la migration forcée des populations rurales, des populations des zones fragiles ou de conflits.
La Pirogue du Zémé prouve que des initiatives purement artistiques, grâce à des artistes innovateurs et très actifs, peuvent aboutir à des produits et services nouveaux, contribuant à la fois à l’enrichissement du patrimoine culturel et artistique mais aussi au progrès de leur communauté car l’on peut aisément imaginer l’usage de cette pirogueaprès le projet artistique.
Youssouf Koné