Le festival Afro Beat, lors de sa onzième édition, a invité des experts culturels pour des panels autour des industries culturelles et créatives. Parmi eux, le journaliste culturel et critique musical sénégalais, non moins représentant de music in Africa en Afrique de l’Ouest, Lamine Ba, qui a bien voulu nous accorder un entretien sur quelques questions liées au festival et à la sphère culturelle au niveau africain.
Konexion Culture : Vous avez pris part à la onzième édition d’Afro Beat en tant que panéliste pour parler des enjeux liés aux industries culturelles et créatives. A votre avis, comment un événement comme ce festival pourrait contribuer au rehaussement de la culture burkinabè ?
Lamine Ba : Afro beat qui en est à sa onzième édition est un rendez-vous devenu incontournable. C’est l’un des évènements les plus populaires du Burkina Faso, avec un ancrage communautaire assez fort. C’est un festival qui reçoit assez et qui, en retour, donne aussi beaucoup. En nous invitant à cette onzième édition, pour parler d’un sujet aussi important que les industries culturelles et créatives, Afro Beat crée un pont culturel non négligeable. Je pense qu’il contribue au rehaussement de la culture burkinabè, en ce sens que c’est une occasion pour cette culture qui, ainsi, s’ouvre davantage sur l’international.
On parle beaucoup de richesse de la culture africaine mais nous avons l’impression que les choses ne décollent pas véritablement. Pourquoi à votre avis ?
Les choses, on peut le dire, bougent quand même, même si c’est vrai qu’il y a beaucoup de choses qui manquent malheureusement. L’Afrique, on ne le dira jamais assez, est d’une richesse inestimable. Sa diversité culturelle est impressionnante. Cependant, plusieurs problèmes, à savoir le manque de structuration, d’infrastructures, de professionnalisme du secteur culturel sont à revoir si nous voulons être véritablement compétitif.
Je ne doute pas du fait qu’on pourrait s’appuyer sur la culture pour développer l’Afrique. Nous avons de la matière première, nous avons tous les outils mais il manque aussi souvent l’accompagnement de nos États. C’est vrai qu’il y a des fonds, des aides, il y a certes des efforts qui sont fournis mais ils demeurent insuffisants par rapport aux besoins.
Vous partagez donc l’avis de ceux qui pensent que la culture n’est pas la priorité des États de l’UEMOA ?
Je ne partage pas vraiment cet avis. Quand on regarde bien les choses, on se rends compte que l’UEMOA fait beaucoup. Tout comme l’a rappelé son représentant, monsieur Koné lors du panel sur le financement des industries culturelles et créatives, l’UEMOA fait les textes. C’est ensuite aux États de les rendre effectifs. Malheureusement, nous n’avons pas de contre-pouvoir assez fort qui pourrait faire pression sur les États afin que les lois soient appliquées. L’UEMOA est un organisme supra, mais chaque État est libre d’appliquer les textes ou pas.
Je pense que pour faire avancer les choses, il faudrait d’abord, en tant que professionnels de la culture, prendre conscience du fait que nous sommes les premiers concernés. On aura beau écrire des textes, bien tenir des conférences ou encore voter des lois, si on ne s’engage pas, les choses n’avanceront pas.
Beaucoup d’évènements se sont tenus en même temps qu’Afro Beat un peu partout à travers le Burkina. D’autant crient à l’inconscience car selon eux, ce n’est pas responsable de faire la fête vu toutes les attaques terroristes qui ont frappé le Burkina. Quel est votre avis à propos ?
Je pense le contraire. De mon point de vue, peu importe ce qu’un peuple vit, la meilleure manière pour lui de rester debout, c’est de continuer à cultiver l’espoir au travers de sa culture. C’est à travers sa culture qu’il maintient le cap. Les évènements comme Afro Beat et les autres rendez-vous culturels, vu tout le monde incroyable qu’ils drainent, sont une preuve que les populations restent fortes. C’est une preuve que le Burkina et les burkinabè ont le sens de la résilience. Je perçois toutes ces manifestations comme des réponses positives, optimistes à l’obscurantisme.
Avez-vous un message particulier à l’endroit de la jeunesse burkinabè ?
Je suis un panafricaniste convaincu. J’aime particulièrement ce pays, le Burkina Faso, que j’ai eu la chance de visiter à plusieurs reprises. Je remarque à chaque fois à quel point la jeunesse burkinabè est pleine d’espoir. J’aimerai dire aux jeunes de Ouagadougou et d’ailleurs de ne pas perdre cette belle arme. Qu’ils se battent pour leurs croyances, pour leurs rêves. J’ai vu des talents magnifiques, j’ai rencontré des jeunes qui sont vraiment engagés et cela ne peut que faire plaisir. Qu’ils continuent dans cette lancée, pour le Burkina Faso mais surtout pour le continent.
Propos recueillis par Issouf Koné, envoyé spécial à Ouagadougou.