Littérature : Elie Kamaté – « Le petit peulh » ou la destinée si singulière de Barry !

Deuxième ouvrage de l’auteur Elie Kamaté, édité par La Sahélienne, « Le petit peulh » est un récit captivant, riche en intrigues. Voyage constant entre le réel et l’imaginaire, le livre est doté d’un enseignement de vie qui interrogerait, sans doute, quiconque s’y intéresserait.

Avant que Barry, devenu « grand monsieur » ne “barrisse” comme un éléphant (pour parler comme Samou, son cousin à plaisanterie dans l’ouvrage), il était un petit berger dont les journées se résumaient à suivre les bêtes de son paternel le long des pâturages de Ké-Macina. Un quotidien de petit peulh, qui dans la conception de Barry, adolescent des années cinquante, ne devait pas espérer plus. Un boubou en laine, un tendadé (chapeau de berger peulh), un bâton, un lot de bêtes et pour couronner le tout, une taille fine.

Cet attachement à la vie de berger se voit très rapidement, dans le deuxième chapitre. A l’interrogation « que fais-tu dans la brousse mon pote ? », de son ami Samou, étonné de le voir conduire un troupeau bien qu’il ait eu la chance d’être allé à l’école (ce qui était inconcevable pour Samou), Barry répondit : « Cette brousse est ma maison et je m’y plais avec ces animaux que mon père a hérité de son père qui les a hérités de son père ».

Sa rencontre avec cet ami d’enfance, accompagné de son patron, un blanc de l’Office du Niger, fut capitale car elle finit, par la force des choses, à l’entrainer à Ségou où la responsabilité d’aide comptable lui fut attribué. Très vite, le petit peulh gravit les échelons. Il devint fortuné et tenter par l’envie de gagner encore plus d’argent, il embrassa la corruption pour en définitive se retrouver dans de beaux draps. Quitter le Mali pour la Côte d’Ivoire était l’ultime solution pour échapper à la prison. Celle-ci l’attendait cependant au pays d’Houphouët Boigny où il purgeât trois ans ferme sur sept à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA).

La notion du destin

Berger, comptable, marié, père, fugitif, prisonnier, libre, divorcé, remarié, pauvre, riche, veuf, père sans enfants…la vie de Barry est à la fois une sombre et belle expérience de 67 ans. Elle est surtout une parfaite illustration de la formule « l’homme propose, Dieux dispose » ou de la célèbre et très usité « l’homme n’échappe pas à son destin ». On aurait eu le pouvoir de voir, de manière panoramique la vie de Barry, du berceau à la pierre tombale, on accorderait plus d’importance à la notion du destin qui est très prise en compte dans le livre à l’instar de la société africaine.

Barry, avant sa rencontre inopinée avec son ami, rencontre très déterminante, ne pensait pas du tout à une carrière d’administrateur dans les bureaux de l’Office du Niger. Il dédaignait d’ailleurs cette vie au point de ne pas répondre au blanc lorsque celui-ci la lui proposa. Le petit peulh, en regagnant la Côte d’Ivoire en tant que fugitif ne savait pas que son ami qui l’hébergerait serait la cause de son emprisonnement pour une affaire dont il n’est ni complice ni informé. Barry, en retournant au Mali, après avoir bénéficié d’une grâce présidentielle pour bonne conduite en prison, ne savait pas que sa femme qu’il aimait tant, à son absence avait déjà entrepris des démarches pour divorcer. Et lorsqu’il avait tout perdu, il était loin d’imaginer que son unique bien, le verger qu’il avait refusé de vendre durant ses moments pénibles, le rendrait à nouveau millionnaire.

La vie de Barry, pleine de rebondissements, montre à quel point l’homme n’est qu’une marionnette dans une main puissante et imperceptible. Une force au-delà du naturel qui décide de ce que nous serons et qui nous faire emprunter des chemins qui concourent à la réalisation de ses vœux.

De nombreux passages dont plusieurs répliques explorent cette notion du destin, cette idée de l’impuissance des humains face aux choix que leur impose le divin. Un principe directeur qui se perçoit et qui confère à certains personnages du livre une attitude de résigné à commencer par la mère de Barry. En guise d’illustration, lorsque le petit peulh, déçu par l’attitude de sa femme aborda le sujet avec sa mère, elle lui fit comprendre que le monde est ainsi fait : « Il y a le bon et le mal, tout comme il y a de bonnes personnes et de mauvaises…Mon fils, la vie est ainsi faite, de joie, de déception et de tristesse, de rire et de pleurs », le consola-t-elle.

Le cousinage à plaisanterie

Un autre élément qui est bien valorisé dans le livre est le cousinage à plaisanterie, facteur de vivre ensemble, valeur très importante pour faire régner l’entente entre les différentes communautés du Mali.

Depuis le titre et les premières pages du livre, avant même d’embrasser l’histoire, le lecteur est servi : « Ces imbéciles, les Bwa, ont oublié d’être bêtes », note ironiquement le professeur Aly Nouhou Diallo, préfacier, pour souligné l’aspect qualitatif du livre, travail de son cousin à plaisanterie Eli Kamaté.

Les formules pour plaisanter jalonnent tout le livre. On en rencontre à foison. L’auteur qui a particulièrement connu Barry, un vieil ami de presque l’âge de son père, n’a pas oublié de mettre en avant cette richesse inestimable qui le caractérisait : son humour et ses taquineries incessantes vis-à-vis de ses cousins bwa qui le lui rendent bien. Un choix que l’auteur a fait pour promouvoir cette valeur si importante dans un Mali dont les enfants sont devenus de plus en plus méfiants les uns vis-à-vis des autres.

« Vilain Bobo… gros con… bête… je te couperai les couilles… sale petit peulh… je t’ai toujours dit qu’un peulh ne sera rien d’autre qu’un bœuf… c’est nous les bobos qui avons apporté la civilisation aux peulhs… etc. ». Tellement de références humoristiques qui donnent au lecteur un peu de sourire et qui l’aide à digérer le côté, en partie sombre qui rythment la vie du protagoniste.

La dernière phrase du livre « Adieu mon petit peulh, tu resteras GRAND dans mon cœur », avec le « grand » en lettres capitales, montre toute l’ironie derrière le « petit » du titre, renforçant cette valorisation de la sinankouya.

Issouf Koné

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