L’écrivaine Dominique Lusardy, mopticienne, dans son livre Mopti l’incorruptible (La Sahélienne, 2019), explore une idée aussi surprenante qu’ingénieuse. Il s’agit de la mise en place d’un vaccin afin d’éradiquer la corruption à Mopti, au Mali et ensuite dans le monde. Une fiction qui tient en haleine et diminue le taux de « corruptine » dans le sang.
Le livre, dans la continuité de « Chroniques Déstabilisées d’une Franco-malienne à Mopti » (La Sahélienne 2012-2016), vient compléter un vaste travail de recherche et d’écriture sur le Mali, pays dont la stabilité est perturbée depuis plus d’une décennie par une crise complexe. Un tourment dont l’origine, selon certains historiens, remonte aux années soixante.
En revanche, les onze paragraphes qui constituent l’avant-propos de Mopti l’incorruptible, prennent essentiellement pour point de départ l’année 2012 avec l’occupation du Nord du Mali par les Touaregs irrédentistes du MNLA, la marche des femmes de militaires sur la présidence pour dénoncer les conditions de traitement de leur mari mais surtout, le coup d’État du capitaine Sanogo, élément catalyseur qui fit place à une insécurité chronique dans le Nord du pays, insécurité qui, petit à petit, a gagné le Centre.
A l’opposé de « Chroniques Déstabilisées d’une Franco-malienne à Mopti » dont la cible principale est le déroulement de la crise et ses effets, « Mopti l’incorruptible » est une réflexion axée sur l’épineuse question de la corruption, les deux sujets étant étroitement liés.
De l’idée au essaies cliniques
Tout part d’une déclaration : « C’est devenu génétique chez nous la corruption, maintenant on naît avec », lâchée par Hapsatou, amie du protagoniste Amadingué. Elle termine son propos en déclarant que même si on ne souhaitait pas tremper dans ces pratiques, tout notre entourage pèse sur nous pour qu’on finisse par y adhérer.
Tout comme les détecteurs de mensonge, basés sur le principe de la mobilité de l’œil, l’idée d’une Imagerie par Résonance Magnétique(IRM) qui puisse donner une image du cerveau de personnes qui étaient corrompues, qui refusaient de corrompre ou qui refusaient d’être corrompues, naquit dans la tête de Amadingue, chercheur.
Le matériel, coûteux, est trouvé grâce à un homme d’affaires marocain. Pendant les essais cliniques sur des cobayes volontaires, à Lausanne, dans l’hôpital de son ami Zucka, Amadingue découvre une substance assez spéciale qui poussera loin le projet. Une hormone qu’il baptisera « corruptine ». Cette substance peut être prélevée dans le sang de toute personne ayant déjà été confrontée à la corruption.
« Celui qui n’est pas corrompu passe pour un idiot »
Un autre problème. Au Mali, les essais ne peuvent se faire que sur les hommes puisque les plantes, les animaux et les minéraux ne connaissent pas la corruption. Il faut donc trouver une solution. L’équipe décide de faire croire que les opérations rendront encore plus riche. Les candidats affluent alors de partout, à commencer par le sacré Aime Trop Les Sous. Les essais sont concluants à en rendent confus les personnes vaccinées. Tous sont surpris de leur penchant soudain pour les bonnes actions jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’ils se sont fait avoir. Convaincu par le trio à la base du projet, les personnes vaccinées décident finalement de militer afin que le vaccin anti-corruption s’impose au niveau communal, régional, national et pourquoi pas international.
L’idée d’un vaccin anti-corruption pourrait faire sursauter, voire arracher un sourire à quiconque en entendrait parler. Le besoin en revanche est réel. Réel et urgent car tout le monde s’accorde pour dire que nos pays souffrent de retards chroniques, renforcés principalement par ce fléau.
Hôpitaux, circulation routière, écoles, administrations, marché, et même au sein des foyers, entre conjoints, la corruption n’épargne rien. Dans les milieux religieux, traditionnels, au sein des tribunaux, on déclare haut et fort la combattre pour l’entretenir de côté. La corruption est devenue banale au point d’emmener Hapsatou à dire que maintenant, celui qui n’était pas corrompu passait pour un idiot.
Mopti, la salvatrice ?
Quel Mopticien ne serait pas fier d’un Mopti, inventeur d’un brevet Anti – corruption, avec Fabrication et exportation dans le monde entier ? Un tel brevet ne rimera-t-il pas avec richesse et création d’emploi pour les Mopticiens mais surtout avec rayonnement de Mopti à l’échelle international vu les commandes qui sans doute exploseront ?
L’idée est soumise au maire de la ville qui la valide. Tout Mopti approuve et le vaccin et le portique qui l’accompagne. Comme toute révolution, des opposants pointent leur nez, essayant de tuer le projet qui, grâce à la persévérance de ses acteurs, fini par prendre une dimension nationale. Le Mali entier, par la voix d’un référendum, vote OUI pour le vaccin à 94,60%.
Mopti l’incorruptible nous interpelle tous. Dominique Lusardy, à travers ce livre qui mêle humour et précision, explore avec une remarquable créativité un sujet dense. Le choix de la fiction a permis à l’auteur d’aller très loin dans sa créativité, nous livrant un produit que tout le monde devrait consulter, espérant que le vaccin passera du fictif au réel.
Issouf Koné