Livre : «La case en carton », une nouvelle ère de contestation

La case en carton de Léopold Togo est un roman d’une nouvelle ère de contestation, publié en 2020 chez Harmattan Mali. A l’instar de classique comme « Ville cruelle » d’Eza Boto ou encore « Les bouts de bois de Dieu » de Sembène Ousmane, « La case en carton » se démarque par son contenu de révolte contre l’expropriation des terres arables qui appartenaient de droit aux paysans. Ici la protestation vise l’amélioration de la condition paysanne et se veut par ricochet être un frein au bradage des terres par les paysans eux-mêmes.

Daran, un paysan travaillant au compte d’un commerçant du nom de Madjou se regimbe contre le statu quo qui l’oblige à servir un patron qu’il considère comme usurpateur. Il envisage l’éventualité d’un soulèvement avec les autres paysans, mais il peine à convaincre ces derniers du bienfondé de son projet. Par altruisme, Madjou lui achète une portion importante de terrain arable, puis l’aide à s’y installer.

Un événement inopiné culbute le cours normal des choses : Daran se fait de nouveau évincer. À son insu, un nouvel acquéreur «sort le titre foncier» de son domaine. L’effet de cette commotion lui fait perdre la tête. Sous la directive des vieux, la jeune Marianne se résout à le sauver et elle y parvient après moult échecs.

Le style d’écriture

Une étude des mécanismes internes de cette œuvre obéit aux injonctions classiques de structuration romanesque. Les traits essentiels du roman classique s’échelonnent : situation initiale, des perturbations, les forces équilibratrices, la chute voire l’état final. Tous ces points susmentionnés convergent à une configuration balzacienne du roman. Bien qu’il soit inspiré d’un fait social, ce livre apporte tout de même une touche particulière. Cependant, du point de vue du registre linguistique, ce livre a un arrière-goût du septième art. L’auteur fait un effort pour acclimater son registre à un ton littéraire, mais le résultat donne plutôt des discours en interaction plus « oralisés » qu’écrits. L’auteur fait incessamment recours au futur proche : utilisation du verbe “aller” suivi d’un infinitif. Le futur simple de l’indicatif est très peu utilisé.

Le présent de la narration, le passé composé sont les temps dominants. Le livre s’écarte ainsi du style romanesque rigoureux où le romancier s’évertue par souci de concordance de temps à utiliser l’imparfait du subjonctif, le conditionnel, le passé simple et l’imparfait de l’indicatif. Cette facilité n’infirme en aucun cas la littérarité de l’œuvre.

Une intrigue satisfaisante

Il y a très peu de description de lieux ou des personnages: un style basé sur la concision. L’œuvre ne foisonne pas en personnage comme cela aurait pu se produire dans certains romans. Toutes les actions dans ce roman tournent autour de «la mauvaise fortune de Daran ». La progression marque aussi la transformation psychologique de Daran dû aux situations dramatiques.

Tous ces traits cités font apparenter l’œuvre à une nouvelle, mais se butent contre la description physique et morale du personnage central, chose qui ne se produit dans une nouvelle. «Daran est un homme aigri. Il pense que la ferme devrait appartenir à sa famille et il cherche à démobiliser les autres travailleurs. Les paysans comme lui, dont les terres ont été achetées à peu de frais, font aujourd’hui le bonheur de tierces personnes », p.18

Deux principaux thèmes traités

Deux principaux thèmes se manifestent dans cette œuvre. D’abord la misère. Tout au long du livre, il y a un contraste fort entre les personnages. La majorité écrasante manque des choses nécessaires à la vie. Les travailleurs sont payés à une somme dérisoire «… vous contribuez à les (paysans) appauvrir davantage » (p.31), se lamente Daran. De malheureux et douloureux événements se succèdent dans le livre. Du statut d’un simple employé pauvre, Daran finit par devenir un aliéné mental. Le choc psychologique l’a rendu encore plus pitoyable qu’il n’était. Son sentiment de tristesse et de dépression à la suite de graves revers va crescendo avant de se diluer à la chute de l’intrigue. D’inattendus événements ont changé la situation de Daran en mal. Daran devient ainsi la face cachée d’une communauté indigente qui réclame réparation à une autorité supposée responsable du statu quo.

Le thème de l’amour y est beaucoup traité. Au-delà d’une contestation, l’amour est prêché dans ce livre. L’attitude de Madou dès le début du roman, partage la souffrance de Daran, témoigne son degré de sensibilité.

Les vieux du village qui, par obligation morale d’assistance mutuelle se sont résolus de « récupérer » Daran des griffes d’une mauvaise fortune. La mission qu’ils confient à Marianne, malgré tout, sa nature complexe est menée à terme grâce aux forces de l’amour. Marianne parvient à amener Daran non seulement à croire en la vie, mais aussi à adopter une croyance : le christianisme. La personne et la vie de Jésus-Christ sont une source intarissable où se déversent amour et paix. Le triomphe de Marianne fait naître un sentiment de satisfaction, un souhait exaucé : celui du triomphe de l’amour. Les préceptes de l’Évangile tels qu’enseignés par Marianne ont façonné la personne de Daran.

Amidou Yanogué

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