Mohamed H Coulibaly : « ‘’Royaume des mots’’ est un cri de cœur, une contestation, un refus de l’Afrique telle que perçue »  

« Royaume des mots » (Éditions Gafé, 2022) est le deuxième recueil de poèmes de l’écrivain malien Mohamed H Coulibaly après « Sanglots de joie » paru en 2012 chez l’Harmattan-Mali et La Sahélienne. Composé de 21 poèmes, « Royaume des mots » est un ouvrage qui allie poésie et peinture. L’ouvrage, par la puissance de la plume et du pinceau revendique la place de l’Afrique dans le monde. Nous nous sommes entretenus avec l’auteur de l’ouvrage. 

Konexion Culture : Pouvez-vous nous présenter votre ouvrage « Royaume des mots » et nous dire pourquoi le choix de ce titre ? 

Mohamed H Coulibaly : Royaume de mots est un recueil de poèmes de 21 textes illustrés par les œuvres du peintre français Pierre A.C Auzias. Ce recueil s’inscrit, comme toute œuvre d’artiste africain, dans une démarche d’affirmation de son identité, de sa réappropriation culturelle. C’est un cri de cœur, une contestation, un refus de l’Afrique telle que perçue. A travers certains textes, on chante la beauté de l’Afrique, les valeurs sociétales, la joie de vivre en Afrique.

C’est aussi une contestation de l’image, de la perception qui peint l’Afrique comme un continent de guerre, de famine et de misère. Une jeunesse qui ne pense qu’à l’immigration et que sans les aides on ne peut trouver notre propre chemin. Cet ouvrage c’est un refus du narratif imposé et véhiculé par l’occident.  

Tout nous est imposé et importé, mode de gouvernance, système éducatif, mode culturel etc… C’est comme si on suit un programme d’effacement de l’Afrique, sa diversité culturelle, son histoire, son économie, son développement… Il faut que ce regard change et l’art doit aussi jouer son rôle dans ce combat.

Le titre Royaume des mots est un choix de l’éditrice Aicha Diarra. Titre que j’ai apprécié car je trouve que ça défini les divers contrastes émotionnels de l’ouvrage.

L’ouvrage allie poésie et peinture. Est-ce un nouveau genre à part entière ? 

L’ouvrage a été amicalement illustré par un ami artiste plasticien français Pierre A. Auzias, un homme plein d’humanisme que je salue de passage. Lors d’une visite on s’était proposé de faire un ouvrage Poésie-peinture en vue d’une large publication et de reverser les bénéfices à une association humanitaire qui opérait à Kita. L’idée est alors venue d’accompagner chaque texte avec un médaillon. Il est à saluer car il a par la suite financé les scans, et tout le reste du processus. Malheureusement le projet est resté dans les tiroirs.  Mais grâce à l’accompagnement des Editions Gafé, on a pu faire une publication. Je m’amuse souvent à dire que la peinture c’est écrire avec des couleurs et l’écriture c’est peindre avec des mots.

Votre texte « Sos le martiens » est un hymne à l’humanisme et à la beauté de l’Afrique… ?

Hymne à l’humanisme oui, mais je dirais aussi cri de détresse, inquiétude. Le monde vu à partir de l’Afrique.  On n’a rien demandé de toutes ces guerres. L’état actuel du monde doit nous interpeler dans la mesure où nous partageons tous la même planète. Ici nous vivons en parfaite symbiose avec la nature et s’en a été ainsi depuis des lustres. Cette course effrénée au progrès et son lot de désolation nous revient à la face et on doit en faire les frais de la pollution et du réchauffement climatique. Les guerres économiques entre puissances se transposent en déstabilisation, guerre civile, crise sécuritaire et humanitaire chez nous. 

Le financement du djihadisme c’est pour le contrôle de nos ressources par les multinationales et le terrorisme avec toutes ces velléités de partitions de pays, ces troubles qu’on constate un peu partout en Afrique. Pourquoi tout cela ? A quoi cela va aboutir ? Ces menaces nucléaires entre puissances surarmées, les clans qui veulent contrôler le monde. Quelle est la posture de l’Afrique dans ce chaos actuel ? S’affirmer enfin en suivant sa propre voie ou rester spectatrice ? C’est la recherche de réponse à toutes ces questions qui ressortent dans ce texte.   

Pourquoi cet hommage à Balla Fasséké dans « Louange » ? 

On a l’habitude chez nous avant la prise de parole de demander la permission aux personnes âgées et surtout aux maitres de la parole. Louange, c’est pour moi une sorte d’hommage à nos illustres griots, les détenteurs de la parole, les gardiens de notre héritage culturel. Une demande de permission, sous leur bienveillance, avant de commencer à écrire. Je me souviens que ce texte m’a été inspiré à mes débuts.

« Extrapolons », un texte à 3 tires. Une autre révolution poétique ?

Pas tout à fait une révolution poétique. Mais je m’efforce de revendiquer ma liberté. J’opte pour la versification libre. Se défaire de ces innombrables règles qui définissent la poésie. Bien qu’il soit difficile en poésie de se défaire de l’influence des grands poètes qui, tout au long des études t’ont marqué ainsi que les styles qui pour un départ te motivent mais finalement risquent de te hanter. C’est comme un boulet qu’on traine. Si je trouve refuge dans la prose, c’est pour moi une manière de laisser libre court aux mots, à l’imagination et qu’elle s’exprime sans barrière. 

Extrapolons ainsi que beaucoup d’autres textes dans ce recueil sont ainsi. Peut-être que ce sera perçu comme une révolution poétique mais j’aime laisser le soin au lecteur de s’accaparer des mots. Je me dis que le rôle de l’artiste est juste de matérialiser son inspiration par son œuvre mais pas de contrôler les émotions que cela suscite. 

Avez-vous d’autres projets d’écriture ? 

Effectivement, je travaille actuellement sur un recueil de poèmes et un roman.

Propos recueillis par Youssouf Koné 

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