Révélée au public malien grâce à son hit « Mali », le Prix Découvertes RFI 2022 sera l’élément qui la propulsera au-devant de la scène internationale. La jeune chanteuse malienne, Hawa Diallo alias Black AD, est désormais l’une des étoiles montantes de l’afro-mandingue. L’artiste entame bientôt une tournée internationale. Mais bien avant, elle donne son tout premier grand concert live, ce vendredi 23 juin, à Bamako.
L’artiste Hawa Diallo alias Black AD commençait déjà à se faire une place très importante dans la sphère musicale malienne, quand le prix découvertes RFI, le 18 novembre 2022, en inscrivant son nom en lettres d’or sur la liste de ses lauréats, a élargi son champ de notoriété, la faisant découvrir au reste du monde.
Elle venait de l’emporter sur plus de 2100 candidats issus de tous le continent africain et de sa diaspora. « Je n’en revenais pas. C’était comme un rêve pour moi. Mais après, je me dis que je l’ai aussi mérité et que je pouvais aller loin dans la musique », nous avait-elle glissé dans la foulée de son sacre.
Avec cette récompense, Black AD bénéficiera d’un accompagnement artistique et financier mais aussi d’une promotion médiatique, avec à la clé un concert à Paris et une tournée organisée par le réseau des Instituts français en Afrique. Mais, avant cette tournée internationale, la chanteuse malienne donnera, ce vendredi 23 juin 2023, son tout premier concert live au mythique Palais de la culture Amadou Hampâté Bâ de Bamako. « Le concert se prépare bien et positivement. Je suis positive et ça va être du lourd. Je travaille dur pour ça », nous lance la jeune artiste qui partage depuis un certain temps son quotidien entre les séances de répétition et les plateaux médias nationaux.
Le soutien de la famille
Née à Bamako, Hawa Diallo (20 ans), est passionnée de musique depuis son jeune âge. Elle a très vite été influencée par des artistes comme Oumou Sangaré, Salif Keita ou encore Fatoumata Diawara. Son pseudo Black AD est une combinaison du mot noir (Black en anglais) et le diminutif de son nom Hawa Diallo (AD). « Black AD est un nom de scène, surnom qui me permet de mettre en valeur la culture noire et de dire aux africains que nous devons être fiers de notre couleur de peau. Le noir c’est mon identité et je me dois de le valoriser », explique l’artiste.
Comme beaucoup de jeunes artistes maliens de la nouvelle génération, Black AD n’a pas hérité de la musique. Elle est d’ailleurs la seule dans sa famille à avoir choisi cette voie. Mais, son choix sera soutenu par sa famille (Ce qui n’est pas le cas pour beaucoup de jeunes qui choisissent d’être artistes au Mali).
A présent, elle doit affronter le regard de la société. Société où beaucoup considèrent les métiers d’art comme des voies de perdition voire de débauche pour les filles. « Beaucoup de personnes m’ont critiquée. D’autres ont essayé de me démotiver. On disait à ma famille que ce que je fais n’est pas bien. Ils disaient que je ne suis pas griotte et que la musique n’honore pas ma famille. Heureusement que mes parents n’ont jamais prêté attention à ce genre de propos et m’ont toujours soutenu dans mon choix », nous confie Black AD.
Si son style vestimentaire assez particulier, alliant le traditionnel et le moderne, est apprécié, Black AD est cependant critiquée, par certains, pour sa coiffure souvent très proche du style afro. Cette coupe « masculine » la distingue de la plupart des jeunes artistes féminines maliennes. « Quand tu es quelqu’un de différent, il y aura des gens qui vont te critiquer et te stigmatiser. On m’a souvent dit que cette coupe n’est pas une coupe de femme. Je la fais cependant parce que je veux être moi-même. Les critiques ne m’ont jamais affectée. Je sais qui je suis et pourquoi j’ai embrassé une carrière d’artiste », renchérit la jeune artiste.
D’un début tumultueux au Prix découverte RFI
Les débuts de Black AD dans la musique n’ont été de tout repos d’autant plus qu’elle était timide à l’époque où elle devait affronter le regard du public lors de ses petites prestations de rue ou sur les scènes de concours de musique dans la capitale malienne. Elle a, en effet, participé à plusieurs compétitions comme la Nuit du Mali en 2019. Ce concours était organisé par Badri Diakité alias Dawala, fondateur du label Wati B qui produisait le célèbre groupe de rappeurs français Sexion d’Assaut. Là, elle s’est faite remarquée grâce à son talent et sa voix singulière qui l’avaient propulsée en finale du concours. « Il y avait de grandes personnalités, de grands artistes avec de belles voix ; je me suis retrouvée parmi eux. C’était magique. C’est ce jour-là que je me suis dit que j’avais mon mot à dire dans la musique », ajoute-elle.
Elle décide en 2020, après l’obtention de son baccalauréat, de passer avec succès le concours d’entrer au Conservatoire des arts et métiers multimédia Balla Fasseké Kouyaté de Bamako (CAMM) où elle perfectionne son talent dans la section chant. Talentueuse, Black AD n’a pas attendu la fin de ses études du CAMM pour se lancer officiellement dans une carrière musicale.
En août 2021, elle sort son tout premier single intitulé Aliou, une chanson d’amour. Suivra, un mois plus tard un deuxième single Salimata et ensuite une mixtape le mois suivant, c’est-à-dire en novembre 2021. Cette mixtape intitulée Idjidja 1 (Courage) estcomposée de 4 titres dont le tube Mali qui la fera connaitre dans son pays et au-delà. C’est en effet grâce à cette chanson que Black AD a remporté le Prix Découvertes RFI 2022.
Une artiste « engagée »
Black AD débute sa carrière dans un Mali traversant l’un des moments les plus critiques de son histoire, ponctué par la menace terroriste, des conflits armés et intercommunautaires, des crises constitutionnelles et économiques. Des défis qui influenceront la démarche artistique de la jeune artiste. Cela se remarque, en effet, dans sa narration musicale comme c’est le cas de son hit Mali et aussi dans Baara (Le travail), un extrait du second volet de sa mixtape (Idjidja 2, sortie en 2022).
« La Chanson « Mali » parle du Mali, de la population malienne, de la jeunesse, de tout l’amour que j’ai pour ce pays. C’est une chanson par laquelle je veux montrer les valeurs culturelles de mon pays, valoriser notre culture, nos instruments parce que les gens ont un regard négatif du Mali à l’extérieur. J’ai voulu, à travers cette chanson, montrer que nous avons beaucoup de choses positives chez nous malgré tout ce qui se dit sur notre pays » explique-t-elle.
Cet engagement est omniprésent dans la musique de Black AD. Elle traite en effet des thèmes allant de la responsabilité de la jeunesse malienne et africaine, au respect de nos valeurs en passant par la cohésion sociale, le vivre ensemble et bien d’autres. Le style de musique qu’elle a choisi pour ses messages est l’afro mandingue qui peut se définir comme une rencontre entre la musique traditionnelle malienne et africaine et des sonorités modernes, notamment occidentales. Au-delà de sa musique, ce combat identitaire et de valorisation de la culture malienne et africaine se ressent également sur son style vestimentaire qui allie tradition et modernité. Black AD valorise, en effet, dans son quotidien, tout comme dans ses clips vidéo, le made in Mali et le made in Africa.
« Le Mali traverse une période compliquée. J’invite tous les maliens à s’aimer, à s’écouter et à s’entraider. Je demande surtout à la jeunesse malienne de se faire confiance parce qu’elle peut accomplir des merveilles. Elle en est capable », voilà une mentalité qui domine chez Black AD, confiante même à la veille de son tout premier concert live à Bamako.
Youssouf Koné
