« Le rôle de l’art et de la jeunesse dans la gouvernance au Mali ». Tel était le thème d’une conférence-débat organisée le jeudi 27 juillet dernier à Intec-Sup (Hippodrome, Bamako) par Accountability Lab Mali. La puissance de l’art comme outil de sensibilisation et de revendication socio-politique et le rôle de la jeunesse dans ce processus ont été au cœur des échanges.
Le débat autour de la question de la gouvernance dans les Etats africains devient de plus en plus récurent. Cela peut s’expliquer par les tares qui gangrènent ces sociétés et qui sont nés en partie de la mauvaise gouvernance, de la corruption, du non-respect des droits élémentaires des populations, de l’injustice sociale entres autres. Et aujourd’hui l’un des outils plus efficaces pour une sensibilisation et une conscientisation collective de nos sociétés reste l’art et la culture. Toujours est-il que cet outil soit utilisé par la plus grande frange de la population africaine : la jeunesse.
Afin de jouer sa partition face à ces défis liés à la gouvernance et aux intérêts vitaux des populations, Accountability Lab Mali, membre du réseau international Accountability Lab basé à Washington DC aux Etats-Unis, a décidé de se servir de l’art notamment de la musique. C’est ainsi que l’organisation a initié un projet intitulé Voice2rep Mali, considéré comme une fabrique d’artistes engagés pour les causes cruciales des populations. Le projet regroupe 5 jeunes artistes maliens, sélectionnés à la suite d’un appel à candidature, autour de la formation en musique, du coaching et du mentorat.
L’exemple Tata Bambo
Ce panel s’inscrit dans le cadre des activités dudit projet. L’objectif pour ses organisateurs était de susciter le débat autour du rôle de l’art et de la jeunesse dans la gouvernance, d’où le choix de l’espace universitaire. Les panelistes à savoir Fadima Maiga, directrice de Mande TV, Alioune Ifra N’Diaye, acteur culturel, Dia Yaye Sacko, journaliste culturelle et le rappeur, Master Soumy, ont chacun fait sa lecture de la thématique.
Alioune Ifra N’Diaye, auteur dramaturge et metteur en scène dont la plupart des œuvres s’inscrivent dans la promotion de la citoyenneté active et les valeurs de la démocratiques a mis un accent particulier sur le rôle de l’art dans la sensibilisation et le changement des mentalités. A titre illustratif, il rappelle l’impact qu’a eu la chanson Bambo de la cantatrice malienne feu Fatoumata Kouyaté affectueusement surnommée Tata Bambo (décédée en 2021). Chanson qui aujourd’hui est en passe de se maintenir dans la mémoire collective malienne.
En effet, à l’en croire, aux lendemains de l’indépendance du Mali, le Président Modibo Keïta a voulu inscrire le Mali dans un nouveau paradigme social avec le code de la famille à travers la promotion du mariage d’amour. Cette question était encore presque qu’un tabou dans une société malienne très conservatrice. Car beaucoup n’acceptaient par exemple l’union entre certaines castes de la société. C’est ainsi que Modibo Keïta et ses conseillers ont eu l’idée de se servir de l’art pour sensibiliser sur la question en écrivant la chanson Bambo qui été interprétée par Fatoumata Kouyaté « Tata Bambo ». Et le message selon lui a passé.
N’est pas artiste engagé qui le veut
Dia Yaye Sacko dans son intervention, a évoqué le rôle de la culture sous un angle beaucoup plus traditionnel, dans l’épanouissement de l’être humain peu importe son aire culturelle. A l’en croire, la culture est par essence un facteur d’épanouissement pour l’être. En effet, au-delà de son aspect économique, la culture, selon elle permet à l’homme de s’épanouir. Elle cite en exemple l’activité agraire dans la société traditionnelle malienne au cours de laquelle, le chant est utilisé pour accompagner et encourager les paysans dans les champs. Cette pratique, ancienne même si elle a tendance à disparaitre aujourd’hui, reste bien présente sous de nouvelles formes. Toutefois, la musique contenue de nous accompagner à longueur des journées.
Il considéré aujourd’hui comme l’un rappeurs maliens les plus engagés. Depuis plus d’une décennie, Master Soumy se bat, à travers sa musique, contre l’injustice sociale. Mais pour lui, l’engagement est un choix pour un artiste. « L’artiste n’est pas obligé d’être engagé. D’ailleurs je crois que chaque artiste est engagé en sa manière. Moi mon engagement je le situe au niveau social. Je me bats pour une meilleure condition de mes concitoyens, j’essaie, à travers ma musique, de combattre les inégalités sociales et je me considère comme un porte-parole des sans-voix de ma société », confie-t-il.
N’est pas artiste engagé que le veut. Car selon Master Soumy, l’artiste est d’abord celui qui est bien imprégné des réalités de sa société. L’artiste doit avoir une culture qui lui permet de comprendre les problématiques de sa société avant de réentendre à lui apporter des solutions. « On ne peut pas défendre une cause dont on ne maitrise pas les tenants et les aboutissants », insiste-t-il.
La culture et la télé
La place de la télévision dans la sensibilisation reste incontournable. Cependant, cette place peut être renforcée si la télévision s’allie à l’art. C’est ce que semble comprendre Fadima Maïga, la directrice de Mandé TV. Son amour pour les arts et la culture colle bien avec la ligne éditoriale de la chaîne qui est socioculturelle. Cela lui a permis de consacrer une place importante aux expressions artistiques et culturelles dans le programme de la télé. A l’en croire, la télé est un outil puissant pour l’éducation de la jeunesse. Surtout quand celle-ci s’appuie sur les valeurs culturelles. « La culture étant notre identité, il devient un socle primordial pour promouvoir l’éducation de la jeunesse » ajoute-t-il.
Aussi, en droite ligne de cet objectif, la chaine Mandé TV a fait le choix d’un programme plus local et africain, afin de promouvoir les valeurs de nos sociétés garantes de la responsabilité de la jeunesse. « Qui parle d’une jeunesse responsable parle d’une jeunesse imprégnée des valeurs endogènes. Nous travaillons aussi un éveil de conscience au sein de cette jeunesse sur laquelle se repose notre avenir », conclut-elle.
Faut-il rappeler qu’Accountability Lab Mali en juin 2016, est membre du réseau international Accountability Lab basé à Washington DC aux Etats-Unis. L’organisation a pour mission principale de promouvoir la redevabilité, l’intégrité et surtout de faire la promotion de la bonne gouvernance afin de lutter contre la corruption au sein de l’Administration publique malienne.
Youssouf Koné