Derrière son air discret et assez détendu, se cache un journaliste curieux, un adepte de découvertes. Toujours en quête d’instants magiques à immortaliser, ses archives sont une réserve à faits insolites. Portrait de Oumar Diop, l’un des rares photojournalistes que compte le Mali.
Flanqué de son féal, un sac à dos chargé d’appareils, ce féru de grands évènements qu’ils soient politiques, culturels, économiques etc. a exploré palais présidentiels, ministères et directions. Il a participé à mille et un sommets diplomatiques au Mali ou au-delà. Du président Alpha Oumar Konaré à Amadou Toumani Touré en passant par Ibrahim Boubacar Keita, Oumar Diop immortalise aujourd’hui des temps forts du président de la transition Assimi Goïta. Sa spécialité : le photojournalisme. Cela fera bientôt deux décennies qu’il a intégré le quotidien national, l’Essor, où ses photos illustrent les papiers sur divers sujets.
Natif de Bamako, Oumar a eu l’occasion d’étudier la photographie au collège. En effet, sous Moussa Traoré, après le Certificat d’étude primaire, il fallait faire un choix. Pendant que bon nombre de ses amis se ruaient vers la menuiserie, la couture, la construction métallique ou encore l’électricité, le jeune Oumar a décidé d’embrasser la photographie. Un choix relatif à une passion qu’il développait déjà pour l’image ; le dessin occupant une place importante dans sa vie d’enfant : « Je me débrouillais déjà assez bien en dessin tout petit. On me faisait d’ailleurs savoir que je pouvais faire carrière dans ce domaine. J’aimais beaucoup l’image de manière générale, que ce soit le cinéma, la photographie ou le dessin », confie-t-il.
Le photojournaliste
C’est plus tard qu’il a décidé de devenir photojournaliste. Ayant déjà une maîtrise de la photographie, il fallait maintenant qu’il développe l’aspect journalistique en lui pour, explique-t-il, « mieux accorder les photos que je prenais aux textes qu’ils allaient illustrer ».
Les photojournalistes, selon Oumar, doivent avoir d’autres notions journalistiques différentes de la photographie. L’inverse à son avis, ne serait pas obligatoire car celui qui écrit n’a pas forcément besoin de se référer à une photo pour développer son texte alors que celui qui prend une photo destinée à illustrer un texte doit faire en sorte que la photo communique, qu’elle exprime le contenu du texte, qu’elle « l’illustre » comme on le dit. « Le rôle de la photo dans un journal a pour objectif d’attirer l’œil du lecteur. Une photo bien prise vaut plusieurs écrits » déclare-t-il à propos.
Les études universitaires en journalisme lui ont permis de porter un regard différent sur l’image qu’il perçoit comme l’élément qui doit donner envie de lire un papier. « Ma manière de travailler avec les rédacteurs est plus synergique et bénéfique car lorsqu’on part sur le terrain, on échange afin d’avoir la même vision. J’exploite ensuite tous les angles possibles de prise de vue ; au final, c’est difficile que le résultat ne fasse pas l’unanimité ».
Chasseur d’instants magiques
L’homme travaille tout le temps, que ce soit dans le cadre du service ou en dehors. Il arpente des chantiers, va à la découverte des hommes, des villages, croise les regards, chasse des faits insolites. Ses calculs météorologiques sont constants car une bonne photo est aussi conditionnée par le moment de sa prise. Le facteur chance compte aussi énormément car les faits insolites ne sont pas prévisibles. C’est pourquoi, selon Oumar, le photographe doit être vigilant et assez rapide. « Il m’arrive de marcher des kilomètres à la recherche d’instants inattendus ; une mère avec son bébé souriant, une voiture dans la circulation, un mendiant, un cultivateur en pleine récolte, un vieillard perché dans un hamac, des manifestants en colère etc. des photos, j’en prends énormément ».
Le photojournaliste a donc toujours de quoi à illustrer les pages de l’Essor, en dehors des sujets qui exigent de nouvelles prises comme les déplacements avec les hommes politiques par exemple.
Un métier qui s’apprend
Oumar Diop déplore le fait que son métier ne soit pas assez mis en avant au Mali. Lui qui a la chance de travailler au sein du quotidien national, avec des collègues qui connaissent la valeur du photojournalisme, ne rencontre pas de véritables problèmes mais déplore le fait que beaucoup de médias n’aient pas de photojournalistes. « Vous verrez qu’il y a bon nombre de médias qui n’ont pas de spécialistes en photographie. Certains rédacteurs sont eux-mêmes obligés de prendre des photos destinées à illustrer leurs articles. Faute de moyens, ils n’ont pas le choix. C’est le Mali, les journalistes se débrouillent », se désole-t-il.
Les photos sont prises pour être prises, avec une insouciance vis-à-vis des exigences du métier. Alors qu’en photo, chaque position, chaque expression du visage, chaque geste, des mains aux pieds, tout à une signification. Elle est plus importante que l’on a conscience car elle représente la porte d’entrée d’un journal. C’est un métier qui s’apprend. Un photojournaliste doit savoir choisir ses photos. « Il y a une déontologie derrière le travail de photographe. On ne publie pas les photos de tout le monde dans n’importe quelle posture. On ne met pas par exemple les photos des gens présumés coupables, ou les visages des victimes d’accident à visage découvert » nous apprend-t-il.
Pour illustrer le caractère dangereux de certains clichés, Oumar a pris en exemple une célèbre photo du président Ibrahim Boubacar Keita dans une posture d’amertume. Cette photo publiée pendant que le régime de ce dernier vacillait, selon le photojournaliste, a fortement contribué à l’affaiblir. Elle avait, en effet, beaucoup tourné à l’époque car à chaque fois que les détracteurs d’IBK voulaient lui porter un coup, ils l’utilisaient. « Une photo parle, il faut faire attention », termine-t-il.
Issouf Koné