Les artistes sélectionnés pour les résidences nomades de la Pirogue du Zémé ont été outillés, lors de deux jours de séminaire organisé par la fédération Founoufounou, sur les des thématiques choisies pour leurs créations.
Le siège de la compagnie Nama et de l’Association AMMCDR (membre de la fédération Founoufounou) a accueilli les 24 et 25 janvier 2023, un séminaire autour du changement climatique, le genre, la jeunesse, l’immigration clandestine…. Des thématiques sur lesquelles porteront les créations des 12 jeunes artistes de la première cohorte sélectionnés pour les résidences nomades à bord de la Pirogue du Zémé.
Après sa fabrication et sa mise à l’eau, il est temps pour la Pirogue du Zémé de parcourir le long des localités traversées par le fleuve Niger. A son bord, de jeunes artistes interrogeront les réalités de ces territoires et créeront pour sensibiliser. En effet, cette étape est l’une des plus importantes du projet après celle de la conception de la pirogue, du « transporteur de rêve ». « La rencontre des populations est le plus important de ce processus car c’est avec elle et pour elle que les artistes résidents travailleront », insiste Lassine Koné, directeur de la Compagnie Don Sen Folo, porteur du projet.
Approfondir la réflexion des artistes
Mais avant le départ de la pirogue, les artistes sélectionnés ont bénéficié d’un séminaire afin de les préparer à mieux aborder leurs créations. Pour ce faire, quatre chercheurs, dans leur domaine respectif en lien avec les thématiques choisies, ont, durant ces deux jours de rencontre d’échange, approfondi la connaissance des artistes afin de les permettre de pousser leur réflexion sur les thématiques. « Si un spécialiste vous donne des explications sur son domaine, cela ne peut que vous enrichir. L’objectif est d’approfondir le regard et la réflexion de ces jeunes sur les thèmes qu’ils ont choisi pour leurs créations », lance Lassine Koné, directeur de la compagnie Don Sen Folo, porteur du projet Pirogue du Zémé.
Avant l’intervention des chercheurs, les lauréats ont chacun et en binôme présenté leur projet artistique sélectionné. Tous inspirés des thématiques proposées, les projets retenus ont en commun leur démarche consistant à sensibiliser les populations sur les problématiques auxquelles elles font face. Les conséquences de la pollution de l’air, la dégradation de l’environnement, les attaques que subit le fleuve Niger, le harcèlement en milieu artistique, l’immigration clandestine sont ont autres les thèmes sur lesquels ces artistes ont décidé de travailler.
« Les informations accumulées lors de ces deux jours de séminaires vont énormément m’aider dans ma création et me permettrons d’élargir mes réflexions sur mon projet. A mon avis, il était vraiment nécessaire d’organiser ce séminaire », nous confie Hakim Diallo, l’un des artistes sélectionnés qui a décidé de travailler sur la question de la migration, devenue presqu’une pratique normalisée dans sa famille. Il est issu d’une famille soninké, l’une des communautés les plus présentes sur les chemins de l’immigration clandestine au Mali.
Youba Sokona est expert sur les questions liées au réchauffement climatique. C’est la première fois qu’il est sollicité par des artistes en Afrique pour intervenir sur cette thématique. « Je suis assez sollicité à travers le monde notamment en Europe pour parler du réchauffement climatique mais au Mali voire en Afrique c’est une première pour moi. Je crois que ces artistes savent réellement ce qu’ils veulent et cela prouve que les artistes sont, aujourd’hui, conscients de l’urgence de la question », remarque-t-il.
A la croisée des disciplines
La Pirogue est donc un vaste projet à impact social important si le résultat escompté est atteint à l’heure du bilan. La délégation de l’Union européenne a retenu ce projet suite à un appel à candidature parmi plusieurs postulants. « Je suis très impressionné par la qualité du travail, la maturité. Il était important pour nous d’accompagner ce projet qui concerne le fleuve Niger, fleuve qui fait partie du quotidien des Maliens et qui aujourd’hui est victime de pas mal d’attaques liées à la question environnementale. Si des artistes ont décidé d’en parler c’est bien évident pour nous de les y accompagner afin de contribuer à sauver le fleuve », explique Ivan Bertoux, chargé de programme à l’UE.
Ils sont 12 jeunes sélectionnés à la suite de ce premier appel à candidature, dans 4 différentes disciplines à avoir le théâtre, la danse la photographie et l’art de la marionnette. Ces 12 artistes travailleront en binôme ou en solo lors de leur résidence dans les territoires traversés par le fleuve à savoir Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao. « L’objectif de ce croisement des disciplines dans ce projet est non seulement pour permettre de réfléchir à plusieurs façons de porter le message mais aussi c’est pour permettre aux différentes disciplines de se nourrir l’une de l’autre afin d’être plus impactantes », explique, Lassine Koné.
L’aspect collectif du projet est l’une de ses forces. C’est bien évidemment qu’il soit mis en œuvre par le consortium de structures culturelles et artistiques qui ont décidé de joindre leur force et leur savoir-faire afin d’impacter positivement leur communauté. Il s’agit de Don Sen Folo, (Danse), Yamarou Photo (photographie), l’Association AMMCDR (marionnette) et Anw Jigi Art qui intervient dans le domaine du théâtre. « Chacune de ces disciplines a sa manière de porter le message mais il y’a une vraie complémentarité. Si nous nous sommes mis en collectif ce n’est pas un hasard. Nous avons en commun l’implication des communautés dans nos projets artistiques », enchaine Assitan Tangara, présidente de la fédération Founoufounou.
Il est prévu, au cours du projet, deux sessions de résidences de 12 artistes. En effet, un second appel sera lancé en 2024 pour la seconde session qui regroupera également 12 artistes issus des quatre disciplines initiales. Au total, 24 artistes feront 12 résidences sur les 4 années du projet. Ces résidences feront des actions de sensibilisation et de médiation auprès des populations notamment des jeunes et des femmes des localités concernées. Les initiateurs du projet entendent enregistrer lors des restitutions des résidences, environ 4 800 spectateurs sur les 5 territoires du projet.
Youssouf Koné