Les résultats affichés en 5 ans par le projet « Donko Ni Maaya » de la GIZ, financé par le ministère Fédéral allemand au Mali sont convaincants. Toutefois, le projet tend vers une fin probable en 2024. C’est ce qui ressort de la dernière réunion du comité de pilotage du projet, tenue le jeudi dernier au ministère chargé de la culture. Une nouvelle qui attriste déjà le monde artistique et culturel malien.
Le coup d’État de mars 2012 fut le point de départ d’une crise profonde jamais vécue par les Maliens depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1960. A cette crise multidimensionnelle (institutionnelle, politique, sécuritaire et économique), s’est ajoutée plus tard, une crise intercommunautaire mettant en cause la cohésion, la paix et l’unité nationale du pays.
Face à cette situation sans précédent, le Mali bénéficiera du soutien de ses amis dont celui de la République fédérale d’Allemagne, qui, à travers la coopération GIZ, a décidé de mettre en place, en 2018, le projet « Donko Ni Maaya ».
Pour contribuer à éteindre le feu au Mali et atténuer les tensions entre les populations, la République fédérale d’Allemagne, à travers la GIZ, a mis sur la table une grosse enveloppe de 10 millions d’euros. Une somme qui a servi à la mobilisation des acteurs maliens du secteur des arts et de la culture sur le chantier de la sensibilisation et du renforcement de la cohésion sociale.
Des résultats à la hauteur des attentes
Avec une approche visant à offrir aux jeunes des alternatives aux positions extrémistes et à leur permettre d’agir positivement, en tant qu’ « agents du changement », dans la lutte contre l’extrémisme violent, le projet Donko Ni Maaya aura fortement contribué à l’atteinte de cet objectif par ses actions menées à travers tout le Mali.
« Le secteur de la culture est essentiel à la paix et au développement de notre pays. Les artistes et les professionnels du secteur culturel jouent un rôle crucial dans la promotion de la paix, de la tolérance et de la compréhension mutuelle. Le projet « Donko Ni Maaya » est un témoin éloquent de cet impact », a apprécié le ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du tourisme Andogoly Guindo, lors de la réunion du comité de pilotage du projet Donko Ni Maaya tenue le jeudi 2 novembre dernier dans les locaux de son département.
Cette rencontre du comité de pilotage, composé des membres de la fédération des artistes au Mali, de l’union des Associations des artistes producteurs et éditeurs du Mali (UAAPREM) et du réseau Kuruni, avait pour objectif, non seulement de présenter le bilan du projet mais aussi de définir ses perspectives. « En 5 ans, nous avons pu soutenir 13 centres culturels à se structurer, financer 62 initiatives culturelles et une centaine de formations soutenues. Le projet a touché plus de cent-soixante-mille personnes à travers tout le Mali », a expliqué Magali Moussa, directrice du projet « Donko Ni Maaya ».
Ces années de travaux conjoints, selon le ministre, ont vu l’émergence de grands chantiers qui orientent la vision du gouvernement malien à l’égard du secteur culturel et de la cohésion sociale au Mali. « Un proverbe africain nous rappelle : « Lorsque les araignées tissent leurs toiles ensemble, elles peuvent attraper un lion », paraphrase le ministre pour magnifier la collaboration avec le projet Donko Ni Maaya dans le cadre de la promotion du secteur culturel malien mais aussi pour la consolidation de l’unité nationale tant recherchée par les Maliens.
Les perspectives pour 2024
En seulement 5 ans d’existence, le projet Donko Ni Maaya a donné une nouvelle dynamique au secteur culturel malien et à la place qui est la sienne dans la consolidation de la paix. La mise en place d’un référentiel sur la classification, la certification et la labellisation des métiers et activités culturelles, l’étude exhaustive sur l’impact socioéconomique de la culture sur le développement du Mali, la formation et le renforcement de capacité des acteurs culturels, les représentants de collectivités territoriales et les cadres du ministère en charge de la culture sont autant de prouesses du projet saluées par le ministre. « L’une des réalisations dont je suis particulièrement fier est la plateforme FUGA. Ce dispositif innovant ouvre la voie à une collaboration accrue entre les acteurs culturels du Mali et d’autres horizons, faisant du Mali une véritable plateforme d’échanges culturels. », a témoigné le ministre Guindo.
Cette réunion a aussi été l’occasion pour la directrice de projet Magali Moussa de définir les perspectives pour 2024. Le projet prévoit d’appuyer 11 centres culturels, réaliser 6 microprojets, soutenir 13 initiatives culturelles, financer une trentaine de formations et 5 ateliers. La promotion de la plateforme FUGA est également l’un des points d’orgue des activités de cette année 2024 du projet.
« Nous acteurs culturels, nous avons vu plusieurs fonds passés ici au Mali, mais Donko ni Maaya réalise des actions palpables et qui sont très impactantes. C’est aussi l’un des rares fonds qui priorise la formation des acteurs avant de leur donner les ressources pour la réalisation de leurs projets et initiatives culturelles », nous confie Fousseyni Diakité, directeur du l’Espace Walaha et non moins président du réseau Kuruni.
Vers une fin du projet en 2024 ?
Cependant, l’autre nouvelle, moins réjouissante pour le secteur culturel malien qui ressort de cette réunion est la fin probable du projet Donko Ni Maaya en 2024 même si du côté des allemands la question n’est pas encore d’actualité. « Le contexte de sécuritaire a beaucoup changé au Mali ces dernières années. Les besoins ainsi que les possibilités sont en train de changer. Nous attestons le grand succès de ce projet, mais la question de son renouvellement ne se pose pas encore. Sans doute, l’Allemagne restera engagée au côté des Maliens et Maliennes » a fait savoir Agnès Borchers, attachée culturelle de l’ambassade d’Allemagne au Mali.
Au-delà des murs du ministère de la Culture, la nouvelle sur la probable fin du projet en 2024 ne passe pas inaperçue des acteurs culturels maliens qui souhaiteraient sa continuité. Hama Goro est le directeur du Centre Soleil d’Afrique. Il est parmi ceux-là. L’appui structurel de Donko Ni Maaya à ses dires a permis de réhabiliter son centre qui dispose désormais d’un espace permettant d’héberger les artistes qu’ils invitent. Son centre a également bénéficié des équipements, notamment des ordinateurs et caméras de la part du projet.
La directrice du centre N’Ga Bolo Hein, spécialisé dans le conte, Amaïchata Salamanta, est l’une des bénéficiaires des fonds du projet. « Donko Ni Maaya est le premier projet à m’avoir fait confiance avec un soutien financier. Cela nous a permis de former plus de 50 jeunes qui, pour la plupart, trainaient dans les rues sans perspectives d’avenir. Aujourd’hui, ils travaillent tous et sont aujourd’hui un soutien pour leur famille. Cela a permis à beaucoup d’entre eux de retourner à l’école. Je crois que le projet joue un grand rôle dans le développement socio-économique du pays. Je crois qu’il est important pour nous que le projet continue », nous confie-t-elle.
Recommandations
« En cette période très difficile de l’histoire de notre pays, je peux dire que les projets Donko Ni Maaya nous ont permis de tenir et d’organiser nos activités. Il ne s’agit pas seulement du Centre Soleil d’Afrique, je parle de plusieurs autres structures culturelles qui ont bénéficié de leur soutien comme nous. Nous souhaitons vraiment que l’ambassade et le gouvernement allemand fassent tout leur possible pour que ce projet continue au Mali. Il nous est vraiment d’une énorme aide » recommande Hama Goro.
Toutefois, pour Magali Moussa, la décision par rapport au prolongement du projet revient au ministère fédéral allemand. Mais les impacts du projet selon elle joueront un grand rôle dans la prise de cette décision. « Mais je crois qu’il est encore très tôt pour parler de la prolongation du projet et du comment elle va se faire si c’est le cas », conclut-elle.
En termes de recommandations, Fousseyni Diakité propose à l’Etat allemand de repenser le caractère du fonds ou d’en créer un autre qui puisse durer dans le temps avec plus d’actions plus structurantes du secteur culturel malien : « Le fonds de stabilisation est appelé à finir un jour. Je propose que la Coopération allemande pense à créer un autre fonds de la structuration du secteur de la culture au Mali. Ce fonds de structuration peut permettre de financer des acteurs culturels sur une longue période avec des actions beaucoup plus durables. »
Youssouf Koné