« Restitutions partagées » : l’innovation muséale de Culture en partage

Initiée par l’association Culture en partage (Mali) et son binôme français BaroDa/Théâtre de l’Arlequin (France), Restitutions partagées, enclenché avec le soutien de l’Institut français et l’agence française de développement (AFD) est une occasion pour la jeunesse de renouer avec un riche héritage initiatique.

Le savoir en Afrique est principalement porté par des confréries initiatiques qui transmettent ce riche héritage à travers des enseignements, des pratiques et des rites de haute portée. Fragilisés par la modification des modes de vie, victimes de ruptures intergénérationnelles, structurés autour d’initiations où le secret tient une place très importante, ces savoirs et les pratiques qui les font vivre sont grandement menacés. Comment les préserver de l’engloutissement ?

Formation dans le cadre de “Restitutions partagées” à Bamako

Appliquée à l’Afrique, la muséographie à l’occidentale rend mal compte d’un patrimoine culturel construit sur d’autres paradigmes que ceux de l’Occident. La conservation du patrimoine culturel africain souffre aussi de la dispersion des œuvres liées à la colonisation et à un marché qui compte peu de collectionneurs africains.

Le musée initiatique abritera des objets culturels à la fois antiques et vivants, leurs chuchotements, leurs proférations, leurs lieux secrets, leurs manifestations souvent spectaculaires…Il permettra de replacer dans leur contexte les objets en cours de restitution.

Comment ça marche ?

C’est une initiative qui repose sur une technologie nouvelle et prenante : la réalité virtuelle. Grâce à un casque de visionnage, le spectateur se trouve immergé à 360° et en 3D dans l’univers qui a été filmé. Il a le sentiment d’y être.

Il peut ainsi entrouvrir sans sacrilège la signification des chants, des mots, des rites, des objets qui servent à la transmission des valeurs et des savoirs portés par les grandes confréries. Leurs qualités plastiques, littéraires, musicales, philosophiques, spirituelles sont restituées dans leur vitalité même. Et l’expérience montre l’intense curiosité que provoquent ces invitations novatrices à se cultiver.

Casque Vr, adapté pour les film dans le cadre du projet “Restitutions partagées”

Pour la jeunesse urbaine d’Afrique, cette porte ouverte sur un monde qui leur est à la fois intime et lointain est une expérience d’une exceptionnelle puissance intellectuelle, émotionnelle. Pour tous les autres, elle ouvre sur une vraie conversation culturelle que la muséographie classique peine à populariser.

Des sociétés initiatiques qui intéressent le projet       

Pour commencer à constituer sa collection, le musée initiatique à sélectionné cinq sociétés initiatiques remarquables: dans le Manden le Korè, les Donsow et le Komo ; sur les cotes du golf de Guinée le Vodùn ; dans le pays bassa (Cameroun) le Mbok.

Cette sélection a des raisons de fond : l’importance civilisationnelle et la vitalité préservée de ces confréries.  Elle a aussi des raisons d’opportunité, en fonction des contacts et des réseaux que le projet a commencé à mettre en place au Mali, au Bénin et au Cameroun.

Un premier film bientôt visible

Culture en partage qui a initié ce projet en partenariat avec son binôme français BaroDa/Théâtre de l’Arléquin, a organisé, en janvier dernier, une formation pour la réalisation du premier film.

Cette formation accélérée d’une semaine en présentielle, s’est tenu en plusieurs étapes. D’abord les 6 jeunes réalisateurs qui ont bénéficié de la formation, sous la houlette du formateur Nicolas Jalu du collectif BKE, venu de France, ont été initié à la prise en main du matériel. Ensuite, avec le marionnettiste Yaya Coulibaly de la compagnie Sogolon, des déplacements ont été effectués dans différents lieux très importants de la culture malienne, pour le tournage (le fleuve Niger et la localité de Siby dans le Mandé).

Tournage à Siby avec le marionnettiste Yaya Coulibaly

Un film sur la transmission, avec une sélection minutieuse de marionnettes par Yaya Coulibaly lui-même, a été réalisé grâce au soutien de l’Institut français et l’Agence française de développement dans le cadre du projet accès culture. Il sera officiellement présenté à l’occasion de l’ouverture du premier pôle à Bamako.

Un musée délocalisable

Ce qui est très spécial avec ce musée est le fait qu’il peut être délocalisé. Par sa nature, il peut être simultanément disponible dans toutes les parties du monde. La seule contrainte étant l’accès à un parc de casque de visionnage adapté et éventuellement des lieux de consultation fixes et identifiables.

Deux premiers lieux de consultations permanents vont être mis en place à Bamako, à la Maison des solutions qui abrite le réseau Culture en partage et au Théâtre de l’Arlequin, à Morsang-sur-Orge (France).

En perspective, les modules peuvent être mis à la disposition de n’importe quel centre de documentation (médiathèque, bibliothèque scolaire et universités, musée, organismes spécialisés etc.)

Ainsi, avec ce projet qui, grâce à la technologie de la réalité virtuelle permet aux jeunes africains d’entrer en contact avec des richesses culturelles qui leur sont chers et auxquels ils n’ont pas forcement accès, la question de la restitution s’aborde sous un angle tout autre, non négligeable.

Issouf Koné

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