Le réseau des organisations culturelles maliennes Réseau Kya et le réseau panafricain des acteurs culturels Arterial Network, ont organisé une table ronde, en marge de la 19e édition de Ségou’Art-Festival sur le Niger. Cette rencontre d’échange et de partage d’expérience a permis aux deux réseaux de jeter les bases d’un éventuel partenariat pour une synergie d’actions entre les acteurs culturels africains.
Ségou’Art-Festival sur le Niger, au-delà des activités festives et didactiques, est un véritable espace de rencontre, de partage et de mise en réseau entre les professionnels locaux et internationaux du secteur de la culture. Et ce fut une occasion pour le réseau des organisations culturelles maliennes, notamment le Réseau Kya du Mali et le réseau panafricain des acteurs, d’entrepreneurs, d’entreprises culturels et institutions soutenant la créativité en Afrique.
Cette rencontre, tenue au village de la Fondation du festival sur le Niger a réuni plusieurs acteurs culturels dont des artistes, des promoteurs d’événements culturels ainsi que des représentants d’Arterial Network des pays comme le Congo Brazzaville, la Côte d’Ivoire, la Guinée entre autres. Elle avait pour thème : « Comment soutenir les projets des jeunes acteurs culturels d’Afrique dans leur domaine d’activité ? »
La règle de trois
Le plus grand défi qui s’impose aujourd’hui aux structures culturelles un peu partout sur le continent est lié au financement. La culture ne figurant pas sur la liste des priorités des gouvernements des pays africains, les acteurs culturels sont obligés de se tourner vers des institutions internationales à la recherche de financement pour la résiliation de leurs projets. Mais, les critères de sélection de ces dernières font souvent que la démarche devient un parcours de combattant pour les porteurs de projet en quête de soutien financier.
Cette situation, selon Mama Koné, la présidente du Réseau Kya, s’explique par le manque de ce qu’on peut appeler la règle de trois en culture. Il s’agit de la formation, la structuration et l’accompagnement : « Je crois qu’il y a un manque de formation mais aussi de structuration de nos structures. Généralement, les bailleurs font face à des projets dont le budget est assez gonflé par rapport au contenu. Cela les empêche d’être retenu. Il faut être accompagné et bénéficié d’un mentorat » explique-elle avant d’ajouter « quand des jeunes viennent vers moi avec leur projet, je leur pose des questions qui finalement les poussent à se rendent compte que quelque chose manque à leur projet pour pouvoir prétendre à un financement. »
Membre du Réseau Kya, Mohamed Doumbia estime que les jeunes doivent donner du temps au temps : « Il faut du temps aux jeunes pour pouvoir se construire. Il faut avoir une méthodologie de travail et tant qu’on n’est pas organisés au sein de notre structure, ce serait toujours compliqué. C’est sûr que ça viendra mais il faut de la patience. L’autre problème est que les bailleurs financent des gens dont ils sont sûrs que le projet sera réalisé tel que présenté. »
Il faut accepter de se former
Il a également annoncé que le Réseau Kya et l’Union européenne prévoient le lancement d’un nouveau fonds axé sur les jeunes émergents. Toutefois, ce fonds n’est pas tout de suite un financement mais vise d’abord à offrir des possibilités de coaching et de mentorat aux jeunes, les préparer avant de leur donner un financement quand ils seront prêts.
Le problème de formation est visible dans ce domaine à en croire Pierre Mabiala, membre de Arterial Congo Brazzavile. Selon lui, il y a une jeunesse travailleuse et dynamique qui n’arrive pas à franchir le cap qui vient après. « J’ai compris qu’il faut se former pour comprendre la démarche des bailleurs. J’ai postulé plusieurs fois, pensant que je ratais parce qu’il y avait des affinités dans la sélection mais non, j’avais tort. Il y a aucun traitement de faveur. Depuis que j’ai décidé de me former avec l’Institut Korè des arts et métiers (IKAM), je comprends les exigences des bailleurs et j’essaie de m’y adaptée. Aujourd’hui je gagne des financements avec des projets », témoigne la conteuse malienne Amaïchata Salamata,
Kobena Hilare dirige Arterial Côte d’Ivoire. Il a décidé de venir s’inscrire en master en management et en marketing des associations à l’IKAM. Il encourage la formation mais surtout la persévérance : « Il faut oser essayer. Quand vous voyez un appel et que vous pensez répondre aux critères, il faut essayer. Nous avons postulé avec ma structure à trois appels qui n’ont pas marché mais à chaque fois, on cherchait à comprendre pourquoi ça ne marchait pas. On tentait toujours notre chance. On se renseignait et on corrigeait au fur et à mesure et finalement, on a eu le financement. »
La mobilité des artistes
Dans la démarche de la structuration, l’aspect de la documentation a été l’un des points récurrents. Car mettre à jours les comptes d’exploitation, faire le bilan, pouvoir fournir des justifications, avoir une traçabilité des activités est important. « C’est pourquoi toutes les organisations sérieuses doivent avoir un comptable. Pour qu’on vous fasse confiance, il faut qu’on sache comment votre fonds est utilisé », ajoute M. Kobena.
Face à toutes ces problématiques soulevées, il a été décidé par les deux réseaux d’envisager un partenariat qui permettra de travailler en synergie pour réfléchir à donner une réponse adéquate aux différents besoins auxquels les acteurs culturels du continent sont confrontés. La question de la mobilité des acteurs culturels africains n’est pas restée en marge des discussions. Des possibilités de collaboration entre les artistes des différents pays d’Afrique ont également été évoquées : « Ensemble, on est plus forts » estime Lassine Koné de Arterial Network Guinée-Conakry
Déjà, un comité d’assistance et d’accompagnement des personnes qui ont des idées de projet mais qui manquent de compétences nécessaires pour le matérialiser est en gestation. Il aidera notamment à la rédaction et à la recherche de possibilités de financement pour leur projet.
Youssouf Koné/Issouf Koné, Ségou’Art-festival sur le Niger 2023