Slam : Maralinké gagne son pari de la scène à l’Institut français du Mali

Le groupe féminin de slam malien, Maralinké, a livré son tout premier grand concert live le samedi 18 février 2023, à l’Institut français du Mali. Un pari réussi pour le duo de slameuses qui a dompté la scène et conquis un public enthousiaste à sa cause. Les jeunes artistes Black AD (Prix Découvertes RFI 2022) et Warkane étaient aussi de la partie.

« C’était magnifique…, c’était magique, c’était engagé, c’était dynamique. C’était artistique … c’était magnifique », s’est exclamé Jurgen Van Meirvenne, l’ambassadeur de la Belgique au Mali, au sortir de la salle de concert. Mais était-il le seul à avoir été aussi charmé par la prestation des deux jeunes dames à l’Institut français du Mali samedi dernier ?

Maralinké à l’Institut français du Mali

Pas si vite ! Il y a quelques mois, un internaute malien lançait une pique aux slameurs maliens en disant, à peu près, en ces termes, « on n’invite pas les slameurs sur la scène de Bama’Art (l’un des plus grands événements artistiques de Bamako) par ce que leur art n’est assez vivant pour faire bouger le public ». Le groupe Maralinké semble avoir prouvé tout le contraire de ces propos à travers ce concert qui a marqué les esprits et le cœur du public. 

Cependant, celui-ci n’était pas le premier concert de Maralinké. Le groupe s’était produit en live en 2021 au complexe culturel Blonba à l’occasion de la dédicace de son premier album intitulé Que du slam. Mais, qu’est qui a changé depuis ? Rien, on va dire. Mais beaucoup de choses se sont passées entre temps comme le concert du slameur malien Sory Diakité alias Saccharose accompagné du tchadien Croquemort. Une idée du slam master Amadou Baba Sissoko alias H2O. Toutefois, auparavant, Abdoul Aziz Koné alias Aziz Siten’k aussi s’était fait accompagner sur scène par une chanteuse et des instrumentistes traditionnels lors de la dédicace de son album de slam Dungaré en 2020 à l’Institut français du Mali.

Maralinké à l’Institut français du Mali

Un orchestre au complet

Cependant, à l’inverse de ces concerts slam, y compris son premier, le groupe Maralinké a montré une nouvelle dimension de cet art qualifié de joutes poétiques et parfois considéré comme un art qui n’est pas fait pour les grandes scènes. Durant environ deux heures de temps, le duo de slameuses Aminata Bamby Konaté alias Slam Bamby et Mally Keïta Mally la slamesuse » a tenu en haleine la grande salle de concert de l’Institut qui a failli refuser du monde ce soir-là.

Avec un orchestre au complet composé d’un batteur, de deux guitaristes et d’un claviériste, les Maralinké ont dompté la scène et conquis le cœur d’un public enthousiaste à travers un cocktail artistique. Car en plus de la musique qui accompagnait leurs textes, les slameuses avaient derrière elles, comme fond de scène des vidéos qui défilaient en sourdine sur écran géant. Ces vidéos, dont des clips des chansons interprétées rendaient encore plus vivante et dynamique la scène au décor réfléchi pour l’occasion.

Maralinké à l’Institut français du Mali

Une dizaine de titres ont été offerts au public en live. Le groupe a notamment interprété des singles comme Wili (lèves-toi), l’un des textes qui ont fait connaître le groupe du grand public malien. Wili est un texte puissant qui dépeint les crises intercommunautaires ayant sévi notamment dans le centre du Mali. Des extraits de son premier album Que du slam comme Bamako, Texte méchant, Wati sera (il est temps) qui évoque l’immigration clandestine et aussi quelques titres inédits (certainement de son nouvel album en gestation), tels que Farafina, Enfant soldat, Eve

L’occupation scénique, la maîtrise des textes relève d’un travail minutieux, rigoureux et professionnel des artistes et de toute leur équipe. L’une des originalités du concert réside dans le fait qu’elles n’étaient seules sur scène. Elles se sont faites accompagnées d’une choriste à la voix suave qui a donné de nouvelles couleurs aux textes du duo. Aussi, il a suffi trois séances de répétition avec Black AD et Warkane, les artistes invités, pour poser leur voix sur les titres qu’ils ont respectivement interprété, avec brio, avec le groupe.

Maralinké à l’Institut français du Mali

Par ailleurs, la régie a joué un grand rôle dans la réussite du concert. Les couleurs chaudes et froides, le jeu de lumière ont permis d’accentuer toute la puissance des mots des slameuses sur les maux mais aussi sur la joie du peuple malien, africain et du monde entier. L’un des moments les plus marquants du concert a sans doute été la scène du dernier titre interprété Danse avec les mots, un titre dansant qui a permis aux artistes de communier, pour la fin, avec le public debout et dansant au rythme des mots qui lui invitait à oublier ses soucis, à chanter et à danser, les doigts claquant et les mains ballant.

Changer le regard sur le slam ?

« C’est l’apothéose, c’est l’extase. Ça monte et ça prend tout le corps… Tout promoteur culturel, après avoir vu ce spectacle ne peut pas passer le slam sous le dénie. Ce spectacle peut être présenté sur toutes les scènes artistiques. Pour moi, il serait malheureux et injuste de continuer à marginaliser le slam après ce genre de spectacle », nous confie Sory Diakité alias Saccharose. Ce slameur confirmé a toujours été en première ligne du combat contre la marginalisation dont le slam fait l’objet par les prometteurs des grandes scènes artistiques au Mali. « C’est la toute première fois que je vois cette façon de faire du slam. Elles nous ont émerveillés avec des thèmes d’actualité. On a senti ce côté engagé de ces slameuses. Le slam c’est dire des mots qui ont du sens », apprécie l’actrice-comédienne et web-humoriste Alima Togola. 

Maralinké à l’Institut français du Mali

Véronique, une néerlandaise présente au concert a surtout été marquée par les thèmes en lien avec la crise malienne abordés par les slameuses dans leurs textes : « C’était merveilleux. Toute cette fusion artistique. J’ai surtout été touchée par toutes ces histoires qu’elles ont partagé sur le Mali. Je ne suis pas malienne mais j’imagine un peu tout ce que les Maliens traversent mais restent debout et résilients. »

Quant aux deux jeunes slameuses, elles se disent très heureuses et fières d’elles-mêmes, fières d’avoir réussi un tel challenge tout en remerciant le public sorti en grand nombre malgré qu’il y avait d’autres concerts de grands artistes comme Oumou Sangaré ce soir-là dans la capitale malienne.

Youssouf Koné

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