Théâtre : le fabuleux hommage de Habib Dembélé à Amadou Hampâté Bâ

Le texte, la musique, les extraits vidéos… le spectacle « Le fabuleux destin d’Amadou Hampâthé Bâ », un texte de Bernard Magnier, dont la mise en scène a été assurée par Hassane Kassi Kouyaté et l’interprétation par Habib Dembélé accompagné du musicien Tom Diakité, est une immersion dans la vie de celui que l’histoire appelle « Le sage de Bandiagara », Amadou Hampâté Bâ.

Le Centre culturel Korè grouillait de monde ce soir-là. Le froid qui enveloppait la ville de Ségou n’a pu l’emporter sur la curiosité des personnes, venues en grand nombre, tous décidés à voir le spectacle. Suivant le compte à rebours, au fond de la scène, on pouvait lire noir sur blanc « Les hommes peuvent atteindre un but commun sans emprunter les mêmes voies » ; cette citation d’Amadou Hampâté Bâ en guise d’entrée en matière, eut un léger impact de domination sur les petites discussions persistantes de quelques spectateurs que le silence essayait tant bien que mal de faire prisonniers.

Lorsque la lumière, progressivement commence à écarter le noir, un homme devient parfaitement identifiable. Assis du côté droit de la scène, il a une guitare à la main. C’est le musicien Tom Diakité. De son instrument, s’échappent des notes de musique qui, mêlées à la voix du musicien, voyagent, survolent l’assistance, imposent un peu plus de silence.  En duo, Tom assure le spectacle avec celui dont l’entrée occasionnera des ovations bien nourries, réactions à la hauteur de son talent, de sa notoriété. Il s’agit de Habib Dembélé alias Guimba national. L’homme, sur l’ambiance musicale lâché par Tom Diakité, livre quelques pas de danse, sonde la planche en quelques va-et-vient puis poursuit l’aventure scénique qui durera une bonne heure.

« Du théâtre à vécu »

C’est du théâtre ! Et pour le faire, enfiler la casquette du comédien ne suffit pas. Le vécu s’impose. Du théâtre à vécu, ça pourrait s’appeler. Jouer le « Le fabuleux destin d’Amadou Hampaté Bâ », un texte écrit par Bernard Magnier et dont la mise en scène a été assurée par Hassane Kassi Kouyaté, ce n’est pas que raconter une vie, ce n’est pas qu’un hommage, ce n’est pas que du spectacle non plus. C’est plus que les trois réunis. C’est une discussion entre deux êtres au lien artistique puissant : d’un côté, l’aîné Amadou Hampâté Bâ, parti trop jeune, à seulement 91 ans, et de l’autre côté, le cadet Habib Dembélé qui commence à se faire vieux du haut de ses 60 ans. 

En parlant de son grand frère Amadou Hampâté Bâ, Guimba, le national, sait exactement de quoi il parle. Lui qui a eu l’occasion de rencontrer le patriarche à Marcory en Côte d’Ivoire ( là où Hampâté Bâ a passé ses derniers jours ), se souvient encore des mots d’accueil de l’homme qui se définissait en ces termes : « Je suis à la fois religieux, poète, traditionnaliste, initié aux sciences sécrètes peules et bambara, historien, linguiste, ethnologue, sociologue, mixte, musulman, arithmologue, j’aime rire et faire rire, sous cet angle je ne suis pas loin des comédiens, je suis conteur. »

Cette rencontre dont le comédien, à travers ce spectacle, nous livre de nombreux souvenirs qu’il a gardés, justifie son aisance sur scène. Du sincère s’en dégage. Parler de quelqu’un qu’on a rencontré, pour un comédien est un exercice vrai, un travail qui surpasse le simple cadre de l’interprétation.

Un hommage fabuleux

Bien qu’il ait été à l’école française, Amadou Hampâté Bâ, en référence au fait que la tradition orale lui ait beaucoup apporté en termes de savoir, se considère comme « Un grand diplômé de l’université de la parole enseignée à l’ombre des Baobab. »

A travers ce spectacle qui honore ce patriarche, l’un des plus grands intellectuels de son époque, Guimba national nous entraîne dans l’histoire d’une vie unique, jalonnée d’expériences. De l’enfance d’Amadou Hampâté Bâ (son père, son beau-père, l’école coranique puis française à Bandiagara et Djenné, son adolescence à Kati…), à sa vie d’adulte, d’interprète, d’écrivain, de chercheur ethnologue jusqu’à son dernier voyage le 15 mai 1991 à Abidjan, Le fabuleux destin d’Amadou Hampâthé Bâ fait voyager. Au fil des minutes du spectacle, on a l’impression de relire ses mémoires Amkoullel l’enfant peul et Oui mon commandant, Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1991 pour le premier et le second publié à titre posthume en 1994.

Le spectacle reprend des informations déjà vulgarisées sur la vie de l’homme tout en livrant certaines qui jusqu’ici étaient secrètes ; un fleuve intarissable d’enseignements sur la vie d’Amadou Hampâté Bâ. Chaque mot qui s’envole captive.

La puissance du spectacle réside dans la simplicité qu’il dégage côté mise en scène. Plus de mots que de geste. Des images projetées, des extraits de discours, des citations, dont la plus célèbre, « En Afrique lorsqu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » décortiqué, ses prises de position, ses rencontres lors de colloques et conférences qu’ils a donné à travers le monde, sa vie d’écrivain, des références à d’autres de ses livres importants, L’étrange destin de Wangrin, Kaïdara, Vie et enseignement de Tierno Bokar, le sage de Bandiagara, Il n’y a pas de petite querelle…Le fabuleux destin d’Amadou Hampâté Bâ, en hommage au sage de Bandiagara, est un hommage tout simplement fabuleux de la part du comédien Habib Dembélé.

Issouf Koné

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