Dernière partie d’une trilogie initiée par Alioune Ifra Ndiaye, le spectacle « Colonel Missi ye Sira Tiguè », a été présenté au grand public le 18 mai dernier, au complexe culturel Blonba. Un spectacle qui, selon le metteur en scène, interroge nos dysfonctionnements par le mécanisme du Kotèba.
Au lever de rideau, on entend l’emblématique « Ancien combattant » de l’artiste congolais Zao : « Marquer le pas, 1, 2, ancien combattant Mundasukiri. Marquer le pas, 1, 2, ancien combattant Mundasukiri… ». Un personnage en uniforme, dont le nom « Colonel n’té ta n’té môgô tchi », sera connu par la suite, au rythme du tube, aborde un défilé militaire d’une justesse irréprochable.
Il explore tous les coins et recoins de la scène pour ensuite prendre place dans un majestueux fauteuil situé au centre de la scène, à une certaine altitude, d’où, sa suprématie bien visible, attire toutes sortes de courtisans. Les éloges ne tarissent point à son égard. À la limite, il est vénéré.
Trop de problèmes structurels
Différentes parties, qu’elles soient religieuses, du peuple, de la jeunesse, ou animiste… toutes représentées par un personnage, à tour de rôle, se succèdent chez le colonel, le bombardant d’idolâtrie, le faisant croire qu’il est d’une grandeur incontestée pour au final évoquer la même chose, un gigantesque problème à savoir l’obstruction de la route de Tanyinibougou par un bœuf.
Derrière les visites interminables rendues au Colonel, planent des desseins inavoués. Tout le monde clame sa compétence pour essayer de profiter de la situation. Les masques, finalement, tomberont quand le bœuf, chassé par Flakè (le spécialiste en la matière), fera naitre des grognements chez les prétendus soutiens du colonel.
L’image du bœuf, selon Alioune Ifra Ndiaye, renvoie à nos problèmes structurels. Il prend en guise d’exemple, le délestage récurent auquel est confronté le Mali chaque année, en expliquant que les gens ne voient que le manque d’énergie sans prendre en compte les questions essentiels à savoir chercher à comprendre pourquoi chaque mois d’avril et de mai, nous sommes confrontés à ce problème et pourquoi des réponses structurelles ne sont pas trouvées ? « Notre administration publique ne fonctionne pas, le corps citoyen et social dysfonctionne, il n’y a pas de vision. Il y a trop de problèmes structurels mais les gens ne sont habitués qu’à voir les conséquences », déclare-t-il.
Questionner les dysfonctionnements par le biais du Koteba
Le colonel à une sorte de bandana sur la bouche. Comme une statue ornementale, le dramaturge, tout au long du spectacle, l’a privé de mot. Parler, il n’en a pas besoin ; son conseiller le fait déjà assez bien pour lui. Il regarde, cligne des yeux mais ne bronche pas. Alioune Ifra Ndiaye explique le choix de ce personnage en ces termes : « Le personnage du Colonel n’té ta, n’té môgô tchi, vise tous les pouvoirs d’exception. Ce n’est pas une fixation sur quelqu’un en particulier. Il concerne tous les pouvoirs qui n’ont pas de visions quand ils arrivent. On ne peut pas parler quand on n’a rien à dire ».
« Colonel Missi ye Sira Tiguè ! » est la dernière partie d’une trilogie. Trois thématiques ont été choisies par le complexe culturel Blonba : le citoyen, la religion et l’administration publique. Le premier kotèba de la série, « Tayinibougou », était lié au dysfonctionnement institutionnel, le deuxième « Inchallah » s’est saisi de la question religieuse et le troisième et dernier spectacle de cette série « Colonel Missi ye Sira Tiguè ! » a choisi pour angle d’attaque la relation entre le citoyen et l’autorité publique. L’objectif reste le même : « Questionner nos dysfonctionnements par le biais du mécanisme traditionnel qu’est le Kotèba », termine Alioune Ifra Ndiaye.
Issouf Koné