Le jour 3 de la série de Master class internationale, organisée par la structure Yamarou Photo et destinée à une dizaine de jeunes femmes photographes africaines, a mis l’accent sur les liens que la photographie pourrait entretenir, d’abord avec le théâtre dans la première partie de la Master class et avec le cinéma dans la seconde partie.
Les panélistes, Adama Traoré et Alioune Ifra Ndiaye, tous deux ingénieurs culturels, respectivement à l’initiative d’Acte Sept et du Complexe culturel Blonba ont eu la délicate responsabilité de fournir les éléments de réponses utiles pour la carrière des participantes.
Au cinéma, La cité de Dieu de Fernando Meirelles, Twist à Bamako de Robert Guédiguian, Juste avant l’orage de Don Kent… ils sont nombreux, les films qui ont utilisé, avec une esthétique remarquable, la photo dans leur processus narratif.
Le français Chris Marker en a fait un film remarquable intitulé La jetée, une science-fiction qui, pour faire court, raconte « l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance », phrase culte sur laquelle s’ouvre le film. Le projet, souvent désigné comme un photo roman, à commencer par le générique qui le note, sur les 28 minutes de sa durée, n’utilise que 5 secondes de scène filmée. Tout le reste n’étant que photographie.
Au théâtre également, la photographie est très présente. Que ce soit au Mali ou sous d’autres cieux, les auteurs et metteurs en scène qui font intervenir la photographie dans leurs créations, de plus en plus ne se comptent pas. Alioune Ifra Ndiaye, dans une docu-fiction réalisée à partir de l’autobiographie Vérité de soldat du soldat Soungalo Samaké, une personnalité militaire centrale des premières années du régime de Moussa Traoré, utilise des archives photographiques pour appuyer le texte et le jeu d’acteur des comédiens. Un film qui saisit par son côté hybride et très documenté, la photographie y apportant ce petit quelque chose indispensable pour donner au spectacle tout son caractère historique.
Alioune, au-delà de cet exemple sur le Mali, a rappelé un autre spectacle phare, qui a utilisé la photographie dans sa dramaturgie : Rwanda 94, du collectif Groupov, mis en scène par Jacques Delcuvellerie. Un travail de mémoire exceptionnel qui permet une immersion dans le Rwanda de 1994 avec toute la barbarie qui l’a marqué.
« Le théâtre est un art, par définition, éphémère. La photo, en revanche, est un prolongement de l’acte théâtrale ». Cette déclaration d’Adama Traoré met en avant le fait que grâce à la photographie, un spectacle peut continuer à vivre même en dehors des planches. Le lien est donc très étroit. Il sert, continue-t-il, d’outil de communication. En quête du beau, de l’instantané, il fige un jeu d’acteur, un sourire dans le public, un décor captivant et par conséquent, immortalisé.
Après la création d’une pièce de théâtre, on se tourne vers la photo pour vendre. Aussi bien pour le théâtre que pour le cinéma, elle est un outil de documentation. Les archives photographiques peuvent documenter le récit historique d’une pratique artistique, note Alioune. « De l’écriture à la représentation, en passant par la mise en scène, la photo doit intervenir. Tout le processus qu’implique le spectacle en a besoin pour que le spectacle après la représentation puisse continuer son chemin », ajoute-il.
Adama Traoré déplore cependant le fait que les réalités de chaque lieu ne soient pas toujours prises en compte par les photographes. Le Koteba par exemple, qui se pratique hors des salles, n’a pas les mêmes besoins en termes d’esthétique que le spectacle à l’européenne qui se joue en salle. Les réglages de l’appareil ne doivent pas être pareils et l’ambiance de la photo doit refléter le lieu. Raison pour laquelle, ajoute-t-il, il est important d’accorder de l’importance au métier de directeur de la photographie. Un élément qu’Alioune Ifra Ndiaye a appuyé en revenant sur l’expérience de son film Taane, dont une bonne direction de la photographie était l’une de ses priorités.
Le photographe et l’œuvre dans laquelle elle intervient doivent faire preuve de complicité. En tant qu’artiste noyé dans l’œuvre au sens positif du terme, doit doit danser avec les danseurs, jouer avec les comédiens.
Pour terminer, les panélistes ont encouragé les participantes à mettre l’accent sur la documentation, quelque chose malheureusement, d’un peu négligée par nos photographes. La plupart des archives sur les faits importants et les grands hommes de nos pays sont documentés par des photographes européens, ont souligné à tour de rôle les panélistes.
Issouf Koné