Paru en 2021 aux Editions Figuira, le roman « Contre vents et marées » de l’écrivaine tchadienne Dinguest Zenaba relate la truculente histoire d’une jeune dame atteinte du VIH SIDA et victime de la cruauté humaine à laquelle seul l’amour triomphera.
Très jeune, Halima, l’héroïne de Contre vents et marées débarque à N’Djeména, la capitale tchadienne à bord de la berline noire rutilante de de sa tante Selmira, les yeux pétillants de bonheur et la tête pleins de rêves. Son rêve d’enfance : devenir journaliste. Mais la vie peut se montrer parfois cruelle pour les rêves d’enfance. Et c’est bien ce qui est arrivé à Halima dont le rêve a été brisé par l’hypocrisie et la méchanceté humaine.
« Contre vents et marées » plonge son lecteur dans l’enfer que vivent les personnes atteintes du virus du Sida dans nos société où les valeurs d’humanisme et de solidarité sont foulées aux pieds. Les personnes séropositives sont victimes de préjugés de tout genre, de rejet, de la discrimination. Plus que la maladie elle-même, l’hypocrisie et la méchanceté humaine sont à la base de leur souffrance voire de la perte de leur combat contre le virus. Le cas de Halima en est l’illustration parfaite.
Unique fille d’un couple qui aura attendu plus de 20 ans de mariage pour voir une âme venir illuminer leur foyer, Halima, ambitieuse et désireuse de poursuivre ses études décide alors de suivre sa tante Selmira (de passage au village) en ville où elle espère réaliser son rêve. Arrivée à N’Djaména, Halima est réduite en femme de ménage par sa tante. Devenue la bonne à tout faire de la famille, elle est accusée à tort de vol par sa cousine Saha, Halima est mise dans la rue par Selmira. C’est le début de l’enfer pour la jeune fille pour qui désormais seule la survie compte.
Un livre d’amour et d’espoir
Toma, une prostituée accueille Halima chez elle. Bien que la vie que mène son hôte ne lui plaise, Halima, déboussolée et sans autre issue, finie par tombée dans le plus vieux métier du monde. Comme pour dire que le malheur n’arrive pas seul, après la mort de son amie Toma, Halima contracte le virus du sida. Elle est abandonnée par ses amies, perd tout espoir de vivre. Elle est même tentée par le suicide. Mais grâce à son docteur qui l’a encouragé à suivre son traitement, elle regagne confiance. Elle regagne ensuite goût à la vie suite à sa rencontre avec Ben, l’homme qui a accepté de l’aimer et de la soutenir malgré sa maladie.
L’auteure de cet ouvrage pointe du doigt cette deshumanisation qui domine notre société où les valeurs de la solidarité et de l’entraide sont devenues rares. C’est encore pire pour les personnes vivant avec le sida. En plus de leur maladie, ces personnes doivent braver le rejet, la stigmatisation de la société. Elles sont nombreuses comme Halima à faire face à cette réalité qui ne leur donne le choix parfois même face à une question de vie ou de mort.
«Contre vents et marées » est un livre d’espoir, d’amour qui triomphe du mal. Il donne également de l’espoir à l’humanité et aux personnes séropositives dont beaucoup se laissent détruire par le désespoir. Peu importe les épreuves auxquelles nous sommes confrontés, le livre apprend à garder espoir. Il y’aura toujours des personnes qui nous ferons aimer cette vie qu’on a eu à détester d’une manière ou d’une autre, pour une raison ou une autre. Ben est apparu dans la vie de Halima au moment où elle avait le plus besoin de quelqu’un qui devrait lui redonner goût à la vie. « La revanche de l’amour sur la barbarie humaine. L’amour comme l’Alpha et l’Omega de la vie sur terre», écrit le préfacier du livre Nocky Djedanoum.
Une écriture fluide
Au-delà des thèmes de l’amour, de la maladie, de l’hypocrisie, de la stigmatisation ou encore de la méchanceté, cet ouvrage magnifie également la femme africaine dont la beauté et les valeurs sociales et humaines sont chantées. La question du mariage forcé ou arrangé est également évoquée dans cet ouvrage via Ben a qui les parents voulaient imposer sa cousine en mariage. Mais l’amour que celui-ci ressent pour Halima triomphera de cette pratique ancestrale de notre société.
Aussi, l’intrigue du roman, établit indirectement une comparaison entre l’éducation en milieu rural et citadin. Le premier est illustré par Halima qui a reçu une éducation familiale décente au village où on lui a appris les valeurs du respect des autres, de l’honnêtement… Contrairement à elle, sa cousine Saha qui a grandi en ville est bien de ces valeurs. C’est d’ailleurs son comportement qui a conduit à cette vie de Halima.
« Contre vents et marées » est un ouvrage captivant à bien des égards. En plus du choix de son auteure d’opter pour un style d’écriture fluide qui permet une lecture agréable, l’ouvrage est riche en poésie avec des pages entières consacrées à des poèmes sur l’amour et l’espoir. Des lignes qui aident le lecteur à souffler dans une écriture qui le plonge parfois dans les abysses de la cruauté humaine. Le lecteur y ressort enrichi et requinqué avec toujours l’espoir d’un lendemain meilleur malgré les difficultés que la vie peut nous reverser parfois.
Youssouf Koné